Le 25/05/2020

D'où viennent les croyances dans les théories du complot ? Le fantasme de la conspiration #0233



Dans cet épisode, on parle des théories du complot et des mécanismes psychologiques desquels elles tirent leur pouvoir sur notre esprit.

Bonjour et bienvenue,

c'est Bertrand de la Fondation MAGister,

l'école des héros du monde réel.

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Vous savez sur cette chaîne j'ai déjà reçu des messages comme quoi j'étais le gourou d'une secte et que je manipulais les gens.

Le point commun des personnes qui tirent cette conclusion, c'est qu'elles le font après être tombé sur une seule de mes vidéos.

Direct boum, elles détectent que c'est une secte.

Et elles sont sûres et certaines de leurs intuitions, elles n'ont pas besoin d'en savoir plus.

C'est une évidence, c'est inutile de creuser davantage.

Et ceux qui ne le voient pas aussi rapidement qu'elles sont des moutons dont on exploite la faiblesse mentale.

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Pour certaines personnes, cette trame narrative est omniprésente.

Selon elles, les problèmes qu’il y a dans le monde s’expliquent par une gigantesque machination exploitant la faiblesse naturelle de l’homme. 

Ils voient dans certains événements (politiques, économiques, sociaux, dramatiques, etc) des incohérences troublantes, faisant penser à une manigance.

Ainsi, tout serait contrôlé par un groupe restreint,

les « illuminati », la caste des élites, etc

un groupe restreint « maîtrisant » les défauts de l’esprit humain et se servant de ce savoir pour les manipuler massivement dans l’ombre,

notamment par le contrôle des grandes entreprises multinationales, des médias et de l’information.

Selon eux, il existe déjà des solutions aux gros problèmes actuels (énergie infinie et gratuite, cures contre le cancer, etc), 

qui ont été inventées mais évincées par de puissants lobbies, lobbies qui limitent les avancées et sont responsables de la décadence actuelle.

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Bien que je ne rejette pas totalement ce genre de théories,

(il est aussi bête de totalement les accepter que de totalement les rejeter), 

elles m’apparaissent peu crédibles et « bienvenues » pour bien des raisons.

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La première qui est très importante, et on verra pourquoi, 

c’est qu’elles sortent souvent de l’esprit de personnes qui ne réfléchissent pas plus que ça dans leur vie ou qui sont déconnectées de la globalité.

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Il y a selon moi au moins trois profils de personnes qui vont graviter autour de ces théories.

La première catégorie, ce sont des personnes assez candides, qui se rendent compte sur le tard que le monde n’est pas si rose que ça, 

qui se rendent compte que quelque chose ne va vraiment pas dans un domaine et ne comprennent pas pourquoi personne n’en parle ou ne fait quelque chose.

Alors que eux non plus juste avant cet instant de leur vie, n’en avait jamais eu conscience.

Cette catégorie est typique des adolescents qui se réveillent sur certains problèmes et qui entrent dans une phase de protestation, une phase dans laquelle ils en font beaucoup trop.

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Ensuite on a la catégorie des personnes qui aiment le sensationnel.

D’une certaine manière, ces personnes  aiment cette idée de complot, c’est presque « excitant » comme situation. 

L’idée est facilement acceptée par leur esprit car elle comble le besoin d’avoir un « ennemi », elle donne un sens à la vie, un côté « thriller », « épique » et sensationnel.

Avec cette vision du monde, ce n’est même plus la peine d’aller au cinéma, on se croit déjà dans une espèce de film qui est projeté dans la réalité.

Ce genre de personnes sont addictes aux histoires de conspiration et aux sentiments que cela procure. 

C'est grosso-modo de la drogue narrative pour leur cerveau ! 

Ce sont l'équivalent des adeptes de la spiritualité New Age, ils n'en n'ont rien à faire que les théories n'aient aucun sens, ce qu'ils veulent c'est des théories qui les fassent vibrer.

Pour ces personnes, la conspiration n'est qu'un énième échappatoire.

Parfois je me demande comment c'est possible qu'au cinéma il y ait tant de films avec des scénarios incohérents sans queue ni tête,

présentant des grands méchants avec des intentions et des plans vraiment creux et superficiels.

On dirait vraiment que ces films ont été produits par des gamins et on se demande comment ça peut marcher sur des gens qui ont plus de 10 ans d'âge mental.

Mais quand on voit le niveau moyen des théories conspirationnistes, tout s'explique, beaucoup de gens raffolent de ce genre de scripts pourris.

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Enfin on a la catégorie des personnes qui sont dominées par la peur et qui projettent cette peur de manière paranoïaque sur l'extérieur plutôt que de la traiter de l'intérieur.

Ce sont des personnes qui ne sont pas sereines dans leur vie, qui sont animées par des émotions négatives telles que l'envie et la haine, et qui ont besoin d'exprimer ces émotions sur leurs boucs émissaires et leurs sacs de frappe favoris.

Ces personnes voient des menaces partout, elles suspectent tout le monde, comme si leur détecteur était beaucoup trop sensible.

Ces personnes ont grosso-modo un problème de sensibilité dans leurs heuristiques de détection de menace.

Pour comprendre ce problème le plus simple est de prendre des mythes comme celui du monstre du Lockness ou encore du Yeti.

D'où viennent ces mythes ?

De nos heuristiques de détection de prédateurs.

Les heuristiques ce sont des sortes de règles générales qui sont plus souvent vraies que fausses.

Afin de survivre, le cerveau de nos ancêtres a évolué des systèmes perceptifs qui présupposent que les prédateurs existent dans le monde et qu'il faut les détecter hyper rapidement quand ils se rapprochent.

Quand quelque chose bouge ou fait du bruit, notamment dans l'ombre, il faut présupposer que c'est un prédateur.

Même si c'est une fausse alerte.

Il vaut mieux une fausse alerte que de manquer une vraie alerte.

Autrement dit à partir d'éléments indéfinis le cerveau projette l'existence d'un prédateur.

Ce qui peut nous faire avoir des hallucinations parce que notre cerveau va carrément projeter des patterns perceptifs correspondant aux prédateurs suspectés.

Ce fonctionnement abusif dans la détection des prédateurs était la meilleure chance que nos ancêtres avaient pour survivre.

Il ne fallait pas supposer l'existence de prédateurs après en avoir rencontré, car c'était déjà trop tard.

Et donc le monstre du Lockness et le Yeti sont typiquement le genre de mythes qui peuvent émerger de telles heuristiques de détection de prédateurs.

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De manière plus abstraite, nos cerveaux ont également évolué des heuristiques qui présupposent que les gens sont mauvais et cupides, qu'il faut se méfier d'eux, parce qu'ils peuvent nous faire des mauvais coups.

La logique est la même, c'est de voir venir les attaques à l'avance,

de voir le mal venir à l'avance afin de se donner les moyens de s'en prévenir le plus possible.

À la base ces heuristiques sont faites pour nous faire rentrer dans le jeu de la vie sans naïveté à propos de ce qui peut se passer, avec une certaine lucidité.

Mais paradoxalement chez les cerveaux trop sensibles cela crée une fausse lucidité,

à savoir la fausse lucidité typique des conspirationnistes qui se croient éveillés parmi les moutons endormis.

À partir d'éléments indéfinis leurs cerveaux vont voir et sentir venir des mauvais coups qui n'existent que dans leur tête.

Ils vont projeter l'existence d'un mal, de manigances et autres mauvaises intentions qui n'existent pas.

Et sur la base de ces projections, des mythes vont se construire.

À savoir des théories conspirationnistes.

Dès qu'il se passe des événements à connotation négative dans le monde,

comme par exemple une pandémie,

certaines personnes vont directement plonger dans la grande conspiration et accuser leurs suspects habituels : le gouvernement, les élites, les banques, le nouvel ordre mondial, Big Pharma, Bill Gates, les reptiliens, etc.

D'ailleurs avec les reptiliens on retrouve le côté projection de prédateurs.
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On retrouve d'autres heuristiques similaires impliqués dans ces dynamiques conspirationnistes,

à savoir les heuristiques de préservation de la certitude acquise.

Quand quelque chose fonctionne bien dans nos vies,

notre cerveau présuppose que tout changement est un risque inutile de perdre ce qu'on a.

Quand ces heuristiques sont trop sensibles cela mène à du conservatisme et à une opposition radicale au progressisme.

Toute perspective d'évolution future sera fortement critiquée, indépendamment de sa nature.

Tous les dangers et les catastrophes potentiels liés à cette évolution seront imaginés. 

Les gens qui diabolisent et s'opposent radicalement à la 5g en ce moment sont typiquement des gens qui ont ces heuristiques trop sensibles.

Cela dit, ils sont utiles, ils servent un rôle et une fonction proactive de précaution pour la société,

afin que la culture fassent des évolutions avec plus de conscience sur les conséquences que ça peut avoir.

S'il n'y avait pas de gens comme ça on foncerait tête baissée à faire des évolutions sans chercher à rendre de compte.

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Dans tous les cas, croire que l’être humain a forcément besoin d’un plan bien organisé  pour créer toutes sortes de problèmes et de déséquilibres dans le monde, 

c’est sous estimer son potentiel de « bêtise ». 

Même si l’être humain n’est pas foncièrement mauvais, il se laisse facilement aller à ses vices. 

C’est naturel.

Ce qui, ironiquement, est d’ailleurs un peu le cas lorsqu’il se déresponsabilise en choisissant de croire à ces théories : 

« c’est la faute du pouvoir si tout va mal, ce sont eux les responsables ». 

Le complot devient une excuse à la médiocrité personnelle. 

On retrouve d’ailleurs le même problème avec l’obsolescence programmée : d’un côté les gens se plaignent de la durée de vie « trafiquée » des appareils qu’il achètent et de l’autre ils jettent et remplacent délibérément leurs appareils toujours fonctionnels pour s’acheter un nouveau modèle.

Certes, le monde est mal géré, il y a des sales trucs qui s’y passent, mais il n’y a pas particulièrement de responsable pour autant, 

si ce n’est l’homme, sa faiblesse et son laisser-aller. 

On a un peu de mal à croire que certaines dérives émergent toutes seules, mais finalement ça n’a rien de trop saugrenu.

Bien sûr, les hommes et les organisations, une fois qu’ils sont sont allés trop loin, ou qu’ils se rendent que ce qu’ils ne font pas bien leur travail, cachent des choses, ils essaient de protéger leurs fesses. 

Pour garder leur position. 

Mais ce n’est pas du contrôle. C’est de la peur et de l’avarice.
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De la même manière que les systèmes de surveillance existent à cause de la peur. 

La peur de perdre sa position de puissance.

De manière générale, l’homme s’est toujours donné beaucoup plus de mal à créer des plans pour s’assurer et se maintenir une bonne position que pour faire en sorte que toute position soit bonne. 

Par exemple, il est assez évident qu’il se donne plus de mal à défendre (vendre, marketer, etc) ses produits plutôt qu’à les faire (et s’assurer qu’ils soient les meilleurs possibles). 

À ce propos, beaucoup de technologies importantes ont été développées en temps de guerre, 

car dans ce genre de situation il devient nécessaire pour maintenir sa position d’imaginer et de faire les meilleurs produits possibles. 

Cela en dit long sur le contrôle de nos motivations.

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À partir de là, nous avons le terrain idéal pour faire apparaître le concept de lobby, qui n’est autre que le résultat de l’expression de comportements primaires (~ protection de territoire, rassemblement, dominance du plus fort) dans un contexte industriel.

C’est pour ça que même si c’est sous-estimer la bêtise de l’homme de croire au complot, 

c’est avant tout surestimer la portée de son intelligence et sa capacité de contrôle sur lui même.

Il est trop instinctif et trop limité pour concevoir froidement la portée d’un plan global, 

même si les mauvais scénarios de films (ou même de jeux-vidéo) aiment afficher le contraire.

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Est-ce que les êtres humains sont doués pour garder des secrets ? Non.

Est-ce que les êtres humains soient doués pour s'organiser et se coordonner ? Non.

Est-ce que les êtres humains sont capables de s'entendre sans se disputer et se chamailler ? Non.

Ainsi pour moi les théories conspirationnistes les plus crédibles, sont celles qui avancent que les grands méchants ne sont pas des humains, mais des reptiliens ou des aliens.

C'est ça qui est le plus logique vis-à-vis de la nature humaine.

Parce qu'il n'y a pas moyen que des êtres humains soient capables de créer une organisation secrète parfaitement soudée,

dont les membres s'entendent tous totalement bien ensemble,

sont tous dirigés et coordonnés dans la même exacte direction,

ne se chamaillent jamais entre eux,

et gardent tous ce grand secret, année après année, sans jamais parler de quoi que ce soit qui pourrait créer une fuite.

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Ce n'est pas du tout cohérent avec ce qu'on sait de la nature humaine.

Même dans les entreprises, dans les familles et dans les couples composés de personnes vraiment gentilles et raisonnables, il se passe toujours des disputes et des chamailleries de temps en temps.

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Après existe-t-il des gens sur terre qui ont beaucoup d'argent, qui se connaissent, et qui ont différents arrangements egoïques cachés dans l'ombre qu'ils ne révèlent pas de manière transparente au public et qui sont sûrement bons pour leur compte en banque mais mauvais pour le monde ?

Probablement.

Mais ça n'a rien de vraiment sophistiqué.

Ce n'est pas plus sophistiqué que toutes les micro-manigances qui peuvent se dérouler naturellement dans un lycée par exemple.

Quand tu rassembles des gens ensemble, les schémas qui émergent sont les mêmes.

Donc ces arrangements, c'est une version des micro-manigances qui émergent naturellement dans un lycée mais avec des personnes adultes qui ont beaucoup d'argent.

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Je pense que c'est ça qui déplaît le plus à l'esprit conspirationniste.

Il aimerait que toutes les activités douteuses ayant à leur source des intérêts égoïques soient interconnectées par une grosse trame narrative englobante.

Alors que non c'est juste une multitude de mini-conspirations déconnectées les unes des autres et dont chacun participe.

C'est exactement le même biais de raisonnement qui pousse les Créationnistes à voir tous les éléments de la nature comme étant connectés par un grand plan divin. 

C'est le biais de finalité dont je vous parlais dans l'épisode 21.

Les grandes histoires unificatrices c'est séduisant, mais c'est bien souvent juste des histoires.

La réalité est beaucoup plus chaotique, complexe et brouillée que ces histoires propres et simplistes.

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En fait, les personnes au sommet de la pyramide sociale sont tout autant affectées que les autres par la relativité et le déterminisme de leurs besoins, 

et sont en quelque sorte les plus piégées par le système puisqu’elles ne peuvent pas monter plus haut. 

Elles ont infiniment plus d’argent que tout le monde, mais que peuvent-elles bien en faire ?

Bref, je ne dis pas que les « complots » n’existent pas, mais qu’ils ne sont pas ce qu’ils semblent être, à savoir des « plans machiavéliques » ; 

l’essence du phénomène n’étant pas le contrôle mais le besoin.

En fait ce qui apparaît comme un complot est pour moi la résultante d’un abus d’intérêt personnel. 

D’un côté, je pense que les gens avec du pouvoir finissent par normaliser leur situation, se laissent aller et se permettent des choses de plus en plus grosses,

ne se rendant plus compte de l’ampleur et de la portée de leurs actes personnels (du fait du fonctionnement de notre appréciation qui est adaptatif).

Et, de l’autre côté, je pense que les gens « normaux », s’ils peuvent parfois râler à propos de la situation globale, n’en font jamais leur priorité.

Rien n’est vraiment planifié à l’avance. 

Personne en tant qu’individu ne contrôle ce qui se passe, mais chacun contribue à ce qui se passe.

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Sur ce on continue de parle de tout ça dans le prochain épisode.

Il y a un aspect psychologique très intéressant derrière le conspirationnisme dont on n'a pas parlé.


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