Le 08/06/2021

Croyances spirituelles & Nihilisme

Croyances spirituelles & Nihilisme
Entre bon délire et mauvais délire.

Bonjour et bienvenue,

C'est Bertrand de la Fondation MAGister,

l'école des héros du monde réel.

Pour un nouvel épisode de la série sur l’optimisme et le sens du réel.

À la fin du dernier épisode, je vous parlais du rôle directeur des croyances spirituelles, en tant que cadre pour structurer l’existence.

Pour donner un exemple concret sur l'âme, dans certains cultures des personnes croient qu'elles ont été réincarnées, et que dans leur vie précédente elles ont choisi les problèmes auxquels elles seront confrontées dans leur nouvelle vie.

Mais qu'une fois dans leur nouvelle vie, elles auront tout oublié et devront trouver la solution à ces problèmes tout seul.

Les qualités pragmatiques et structurantes d'une telle croyance sont assez évidentes.

Face à une situation difficile, par exemple la perte prématurée d'une personne chère, une séparation difficile, une blessure qui contraint de mettre fin à sa carrière, etc.

Ces personnes adopteront une attitude beaucoup plus stoïque.

Elles se diront plus automatiquement que ça fait partie de leur chemin de vie, que cette situation arrive pour une raison et qu'il y a une leçon à en tirer, une leçon qu'elles ne perçoivent pas encore.

La propagation de ces croyances de génération en génération est facilitée par trois choses qui en font des sortes de prophéties auto-réalisatrices, des confirmations pour celles et ceux qui les adoptent.

La première c’est qu’on n'arrive pas à anticiper que des super choses nous attendent dans le monde, notamment après avoir perdu ce qu'on avait, et donc après l'inéluctable découverte d’une super chose qu’on avait pas anticipé après avoir perdu ce qu'on avait, cette croyance sera validée.

La deuxième qui est liée à la précédente, c’est qu’étant donné notre incapacité naturelle à anticiper les super choses qui nous attendent  dans le monde,

on a besoin d’un système culturel en plus pour nous donner la foi, système qui encore une fois sera renforcé et validé après la découverte d’une super chose qu’on avait pas anticipé.

Et enfin la troisième chose c’est que le chaos engendré par un trauma de la psyché a naturellement tendance à ouvrir une certaine évolution identitaire qui permet de découvrir ces super choses jusque là ignorées.

C'est très facile de devenir spirituel dans ces conditions.

Parce que toutes les croyances spirituelles vont pouvoir être validées.

Tout semblera effectivement arriver pour une raison.

...

Sinon de manière plus connue par ici, il y a cette croyance de l'Enfer et du Paradis après la mort, cette croyance du Dieu qui supervise l'existence et qui voit tout ce qu'on fait, etc.

Autant de croyances qui structurent et conditionnent ce qu'est la vie humaine sur Terre.

Notre comportement, notre existence, etc.

Certaines personnes pourront dire que croire à tout ça, c'est se bullshiter soi-même avec des histoires bidons.

Je suis d'accord.

Mais cela dit quel être humain ne se bullshite pas lui-même avec des histoires sans s'en rendre compte ?

Même le nihilisme, que l’on pourrait à première vue considérer comme la vision anti-bullshit, en fait quand tu y réfléchis c’est aussi une forme d’histoire bullshitée.

Une forme de pessimisme masqué.

Le nihilisme étant en gros l'idée que rien n’a d'importance, que l’existence n’a pas de but ni de raison d’être, qu’elle est vide de sens objectif,

et que croire le contraire c’est s’accrocher à des histoires qu’on se raconte mais qui ne sont pas du tout inhérentes à la vie en elle-même.

...

Le truc à bien comprendre c'est qu’on s'en fout qu'une croyance soit du bullshit à partir du moment où elle nous permet d'aller d'un point A à un point B sans faire de mal à qui que ce soit.

Je dirais même plus, non seulement on s’en fout que ce soit du bullshit, mais c’est normal que ce soit du bullshit. On veut que ce soit du bullshit.

Dans le sens où on veut que ça crée et ajoute quelque chose qui n’existe pas déjà.

C’est là tout l’intérêt fonctionnel d'une croyance.

...

En ce qui me concerne je pense sincèrement que j'ai la possibilité d'amener ce projet là où je veux l'amener.

Est-ce que je me fais des illusions en croyant ça ? Peut-être, mais en tout cas c'est ça qui me donne l'énergie d'essayer.

En fait pour moi, réussir dans la vie implique grosso-modo de bullshiter son chemin vers le succès, en ne laissant aucune difficulté nous arrêter.

Ce que je vous expliquais dans l’épisode 89 : la même force qui fait les cons, c’est celle qui fait les champions.

Et pour moi cette attitude est totalement congruente avec notre nature de base d'être humain.

Parce que la perception existentielle dont on dispose est une forme du bullshit naturel faisant croire à des cellules biologiques qu'elles sont des individus auto-déterminés.

Et d'une certaine manière, on pourrait dire que du point de vue des particules, les cellules biologiques peuvent elles-mêmes être considérées comme des particules déludées qui s’imaginent être des cellules.

Les particules étant également déludées à leur manière elles aussi, vis-à-vis de la physique quantique, le schéma se répétant à l’infini.

...

Encore une fois la vie est un putain de délire cosmique, un putain de mindfuck de la nature.

Alors autant en profiter en créant du délire utile de son côté.

Le nihilisme, c’est un mauvais délire ; c’est du pessimisme masqué, ça nous vide de notre énergie, ça nous désengage, ça nous rend apathique.

Métaphoriquement, c’est pas avec ça qu'on va construire des “cathédrales”.

Et ironiquement, c’est juste une autre façon de donner du sens à l’existence.

C’est de la fausse purification.

Conceptualiser que les choses n’ont pas de sens, c'est toujours conceptualiser du sens.

C'est le paradoxe du nihilisme.

Et pour comprendre ce paradoxe il suffit de prendre la différence entre un nihiliste et un enfant de trois ans.

L’enfant de trois ans, il n’est pas du tout préoccupé par le sens des choses.

En ce sens il n'a pas la croyance que les choses ont un sens.

Le nihiliste quant à lui, certes il n’a pas non plus la croyance que les choses ont un sens,

mais en revanche il a la croyance que les choses n’ont pas de sens.

En étant préoccupé par l’absence de sens des choses, il est indirectement préoccupé par le sens des choses.

...

Or, comme disait Alan Watts : “si l’univers n’a pas de sens, alors il en est de même pour l’affirmation que l'univers n’a pas de sens”.

Il faut aller jusqu’au bout du raisonnement,

et ne pas créer une idéologie de la non-idéologie.

...

Si dans l’absolu tout est illusion alors rien n’est illusion.

Parce qu’il n’y a plus de point de référence absolu et qu'une illusion dépend d’une perspective de référence.

Si tout est potentiellement une illusion, alors être une illusion ne veut rien dire.

Rien n'est plus ou moins une illusion, et donc tout ce qui est, peut légitimement servir de support du “réel”.

Le nihilisme est pour moi une position d’amateur en fait.

Justement, elle ne réalise pas que dans l’absolu tout est potentiellement illusion et non certaines choses.

Par exemple les choses “physiques” ne sont souvent pas remises en question dans la plupart des raisonnements nihilistes, créant ainsi une dichotomie.

Parce que le nihilisme est égocentrique et anthropocentrique.

Vu qu'on n’a manifestement pas inventé le monde physique en tant qu’êtres humains, alors le monde physique n’est pas remis en question par le nihilisme. Le monde physique est hors de nous. Il est indépendant.

Mais pour ce qui est du monde mental, c’est à dire du sens des choses, des valeurs morales, etc, là on peut considérer qu'on les a “inventé” en tant qu’êtres humains, et donc le nihilisme les remet en question. C’est dépendant de nous.

Ce qui mène à des raisonnements nihilistes typiques du genre : “on est que des créatures physiques insignifiantes qui sont de passage pour un clin d’oeil à l’échelle de l’Univers, peu importe ce qu’on fait, peu importe ce qu’on se raconte, tout sera oublié, on va mourir et notre existence n’aura rien changé, on est des poussières qui vont se faire balayer par le temps”.

Dans ce genre de raisonnements ce que je veux que vous remarquiez d’abord c’est que c’est du faux dépassement de l’Ego.

Justement, au contraire on retrouve l’Ego qui aimerait que les choses qu’il attribue comme dépendantes de lui soient plus intemporelles et signifiantes.

Il ne se satisfait pas de la place qu’elles ont, il aimerait qu’elles aient plus.

Pour avoir le nihilisme, il faut la pensée egoïque.

Ce qui est assez paradoxal par rapport à ce que prétend être le nihilisme.

Ensuite ce que je veux que vous remarquiez c’est que dans ce genre de raisonnements les choses physiques gardent un statut intouchable, un statut “réel”.

Par contre tout ce qui est sens, valeurs, morale, etc, ça c’est remis en question, c’est dévalué.

Le soucis c'est que dans l’absolu on ne s’est pas “inventé” nous même.

C'est l’Univers qui nous a “inventé”, comme il a "inventé” le physique.

Et donc indirectement c’est l’Univers qui a inventé ce qu’on a inventé,  et qui est remis en question par le nihilisme : le sens, les valeurs, la morale, etc.

La dichotomie est donc bancale.

Les remises en question du nihilisme ne sont en ce sens pas si différentes de l'auto-mutilation de sa propre peau par exemple.

C'est une forme de rejet de sa nature.

Pour revenir au terme "inventé”, le terme est évidemment mal approprié dans tous les cas.

C'est le trip et la méprise egoïque qui le font entrer en jeu.

Ça parait con de dire que l’Univers a “inventé” le physique.

Mais en fait c’est tout aussi con de dire que les êtres humains ont “inventé” le sens, la morale, les valeurs, etc.

Leur émergence fait partie d’une détermination qui est tout autant hors de notre contrôle egoïque que l'émergence du monde physique.

C'est un phénomène impersonnel.

Le nihilisme est donc au fond un autre problème d’Ego.

L’Ego qui croit que c’est lui qui a inventé les valeurs, la morale, le sens, etc, et non la Nature.

...

En fait tout est une question d’échelle.

Si on pouvait visualiser la naissance et le développement de l’Univers en accéléré, on aurait probablement l’impression que l’Univers invente des choses.

Mais en fait à vitesse réelle, le développement des choses seraient tellement lent et progressif que le terme "inventé” ne nous viendrait pas à l’esprit.

...

Ce problème d’échelle est d'ailleurs pourquoi toute tentative de distanciation nihiliste est vouée au pessimisme.

Parce qu'on ne peut pas s’éloigner de nous-mêmes.

On est toujours l'outil avec lequel on s'éloigne.

Et donc un outil inadapté à ça.

Schématiquement c’est comme essayer d’évaluer le monde à une échelle géante avec un cadre d’outils adaptés à l’évaluation d’une échelle petite.

Il y aura forcément des discordances étant donné les critères d’évaluation du cadre qu'on utilise.

Et on ne verra certainement pas le géant. Non on verra le géant à travers le petit, ce qui est très différent.

Par exemple notre appréhension du réel est calibrée pour une échelle temporelle de l’ordre de la décennie.

Le calibrage de tout un tas de dimensions est interconnecté avec ce calibrage temporel.

C'est calibré comme ça dans nos intérêts biologiques, pour la pertinence vis-à-vis de notre vie.

Donc forcément avec une calibration pareille quand on considère des échelles de centaines, de milliers, ou pire de millions d’années, il y a tout un tas de bugs et d'interférences qui s’en suivent dans les autres dimensions de notre appréhension du réel.

Ce qu'on obtient avec cet outil est alors pratiquement forcément quelque chose auquel il ne faut pas se fier, parce qu’il n'est pas du tout taillé pour.

Ça ne nous donne pas de clarté, mais au contraire, ça nous embrouille.

Si tu peux voir ta vie comme une poussière dans l’infinitude de l’espace-temps, c'est uniquement parce que tu as gardé ton petit contexte de référence egoïque humain.

Tu ne vois donc pas les choses avec de la hauteur, avec une perspective claire, distante, purifiée et déshumanisée, mais avec une perspective egoïque humaine distordue qui se croit loin d'elle-même alors qu’elle n’a pas bougé.

C'est la méprise des nihilistes, de ne pas voir que leurs révélations sont complètement corrompues par un tas de biais et de limites de l’Ego.

Et que l’entreprise de la distanciation est vouée à la délusion, parce qu’on ne peut se distancier de soi-même en étant soi-même.

Si cela vous intéresse c’est quelque chose dont j’ai parlé dans l’épisode 284 à propos de la Red Pill et de son anti-romantisme.

Anti-romantisme qui au passage est très similaire au nihilisme.

Dans cet épisode, je vous disais que même quand tu crois percevoir de manière neutre, tu perçois en réalité avec des émotions humaines.

C’est juste que ce sont des émotions qui créent ces sentiments de neutralité, de distance et de froideur, ce sentiment d’objectivité.

Donc il n’y a pas une réalité objective “froide” en dessous des illusions perceptives.

Quand tu traites le monde de manière distante, tu es aussi subjectivement biaisé que quand tu le traites de manière proche.

Il n’y a pas une réalité objective et complète que l’on pourrait voir si on voit les choses telles qu’elles sont, indépendamment de nous.

D’où l’idée de choisir un bon délire, quitte a ne pouvoir échapper au délire cosmique.

Peu importe ce qu’on projette, on est toujours en train de voir la réalité telle qu’elle est.

Parce que notre perception et nos relations avec le monde font partie intégrante de la réalité.

Et essayer d’empêcher ça, c’est comme essayer d’empêcher le réel, et non se rapprocher du réel.


Demi-éveil

Bref, et du coup cette dichotomie artificielle et anthropocentrique, ce “demi-éveil” des nihilistes, il leur permet de voir la vacuité de certaines choses, mais pas la vacuité du nihilisme en lui-même.

Le nihilisme semble alors “réel”.

Pour le nihiliste, le sens des choses n'est pas réel, mais le fait que les choses n’ont pas de sens, ça c’est réel.

Dit autrement, pour le nihiliste, le sens des choses n'est pas réel, c’est juste de la fabulation à laquelle les gens s’accrochent, de la fabulation qui projette sur le monde plus qu’il n’existe vraiment dans ce monde,

comme un mécanisme de défense pour surmonter la réalité qui elle est vide et crue.

...

Bien sûr à un certain stade développemental, s’éveiller au nihilisme semble être profond.

Mais ne vous méprenez pas, dans l’absolu ça n’a rien de profond.

Ça se résume grosso-modo à la réalisation que les choses n’ont pas de support externe dans quelque chose d’autre.

Ou dit autrement qu’elles n’ont pas de fondements externes, qu’elles n’ont pas d’ancrage externe.

Et également qu'elles n'ont pas d’ancrage temporel qui les feraient perdurer pour l’éternité.

Elles n'ont pas de support externe qui permettrait de les “ancrer” en dehors et au delà d’elles-mêmes, et donc de les retrouver et de les justifier de l’extérieur d’elles-mêmes.

Autrement dit, le nihilisme naît de la réalisation qu’un moment donné, les choses sont telles un rêve, créées dans le vide, sans fondements, qu’elles n’ont de sens que d'un point de vue relatif, et que tôt ou tard elles disparaîtront dans le vide, de la même manière qu’elles sont apparues.

Et que du coup, vu que les choses sont comme un rêve, alors elles n’ont pas d’importance, ce sont juste des illusions.

Paradoxalement à sa recherche de support externe (et donc de mise en relation), le nihiliste dévalorise les choses qui existent relativement, il ne jure que par l’existence absolue et indépendante.

Les ancrages externe et temporel

Pour vous aider à mieux comprendre, prenons le temps de clarifier :

On peut supposer que les choses ont ou n'ont pas d’ancrage externe.

Qu’est-ce que ça veut dire qu'une chose a un ancrage externe ?

Ça veut dire qu’il existe quelque chose qui la supporte à l'extérieur d'elle-même (au-delà d'elle-même).

Des fondements externes.

Par exemple croire que telle chose est bien ou pas bien ;

au stade bleu dans le modèle des dynamiques en spirale, les gens partent du principe que ces croyances morales ont un support externe qui permet de les justifier.

Ce sont des choses vraies dans l'absolu, c'est “inscrit” quelque part dans l'Univers que c'est vrai (ex : c’est présent dans l'esprit de Dieu ou “écrit” dans la loi de Dieu), ça ne vient pas juste de nous, c’est fondé de manière externe.

Ça ne dépend pas simplement de nous, ce n’est ni une invention ni une fabulation.

En gros si on te demande "Pourquoi tu crois que X est bien ou mal", dans un univers où les choses ont un support externe, tu pourrais remonter à un pourquoi ultime qui justifie ta croyance de l’extérieur.

Ce ne serait pas juste une justification de l’intérieur, non il y aurait un fondement externe.

Il y aurait un rapport cohérent entre ta croyance interne et les propriétés externes de l'Univers, rapport cohérent qui permettrait de rendre ta croyance (absolument) fondée.

Et du coup, le nihilisme découle de la réalisation qu'il n'existe pas de tel rapport.

Au bout d'un moment quand on remonte, on se rend compte que les choses sont définies dans du vide, qu’elles se font exister par leurs dynamiques relatives et mutuelles (ex : je pars du principe que tu existes, donc tu pars du principe que j’existe, et on construit des dynamiques sur ces relations, ce genre de choses), on se rend compte qu’il n'y a pas de support en dessous, il n’y a pas de fondements, ce sont grosso-modo des fabulations que fait l’Univers, notamment à travers nous.

La nouveauté des nihilistes c'est donc de réaliser qu'en fait non, les choses n'ont pas de tel support externe (et bien sûr de se concentrer sur l’absence de support des choses anthropocentrées, et non des choses en général comme le ferait un physicien, ou un vrai philosophe d'ailleurs).

Et à partir de là, de souvent dévaluer les choses à cause de ça.

En gros pour le nihiliste, puisque les choses n'ont pas de support externe, alors elles n'ont pas de valeur, ce sont juste des fabulations.

Sous-entendu les choses ont besoin d'un support externe qui les valident pour avoir une vraie valeur, pour avoir du vrai sens réel.

De la même manière il y a le versant temporel de l'ancrage.

Au stade bleu des dynamiques en spirale, l'esprit conçoit explicitement ou implicitement que les choses ont à la fois toujours existé et auront des conséquences éternelles.

Il en restera toujours quelque chose.

Si je vis comme ceci ou comme cela, alors je vais aller au Paradis ou en Enfer.

Le nihilisme découle de la réalisation qu’en fait à l’échelle de l’Univers, les choses sont passagères.

Assez vite, il n’y aura plus rien qui en restera (elles se seront transcendées, ou tout du moins transformées en autre chose).

Au bout d'un moment les choses n’ont plus vraiment de conséquences significatives, elles n’ont plus de continuité, elles retournent d’où elles sont arrivé : au vide.

...

Et le jugement de valeur négatif des débutants vis-à-vis de ces réalisations que les choses sont créées dans le vide, qu’elles n’ont de sens que d'un point de vue relatif et qu'elles repartent dans le vide.

C’est à dire cette espèce de désengagement, de désenchantement et de déception vis-à-vis du fait que les choses n’ont pas d’ancrage absolu pour les supporter,

vis-à-vis du fait que à l’échelle temporelle globale il ne restera rapidement rien de ce qu’on fait, tout sera balayé,

désengagement et déception mêlée à une forme de cynisme et d’indifférence,

à savoir l'utilisation de cette absence d’ancrages externe et temporel comme outil pour justifier qu’au final rien n’en vaut la peine, rien n'a de sens, rien n’est triste, rien de ce qu’ont fait ne servira à quoi que ce soit, etc ;

la résistance à s’engager avec les choses parce qu’on anticipe qu’elles ont une fin (et que c'est négatif).

Tout ça c’est en fait le reflet de leur héritage psychologique, et du fait qu’il n'en sont qu’au début de leur éveil sur cet héritage psychologique.

C’est notamment le reflet de leur attachement à ces idées d’ancrage externe et d’ancrage éternel.

Et l’autorité qu’ils accordent à ça.

Cet héritage contextualise et colore implicitement leur éveil.

C’est un effet de dualité.

Le serpent se mord la queue.

D'un point de vue de leur héritage de valeurs bleues, l’absence d’ancrage externe et éternel semble négatif.

De réaliser ça, c’est comme si le sol se dérobait sous leurs pieds.

Et implicitement ils ont besoin d’un sol pour vivre, s’engager, et justifier leurs actes (ça fait partie de leur contexte implicite).

Ils n’acceptent pas d’être leur propre sol, ils n’acceptent pas cette part de responsabilité dans l’Univers.

Parce qu’à ce stade l’esprit est comme un enfant qui cherche à rester attaché à son papa et sa maman.

S'il ne trouve pas son papa et sa maman, il est perdu, car il ne se suffit pas à lui-même.

Il est dépendant de l’externe.

Il veut une autorité supérieure qui ne vienne pas de lui.

Dit autrement, il rejette l’idée d’être Dieu (ou tout du moins de faire partie de Dieu ; même si Dieu est indivisible, et donc le terme “être une partie de Dieu” est un oxymore, ce n’est qu'une autre manière de refuser de voir les choses ; on ne peut qu’être Dieu et non en être une partie), ce que pourtant il est, qu’il le veuille ou non (car pour rappel dans une conception non-dualiste tout ce qui est est Dieu).

Du coup les nihilistes font de l’absence de sol leur nouveau sol.

Ils font de l’absence d’ancrage externe, leur nouvel ancrage externe.

Qui permet de justifier que les choses n’ont pas de sens.

Parce que de leur point de vue ça semble être la seule position logique et sensée après avoir réalisé que les choses n’ont pas d’ancrage externe.

Toute autre position leur semble intenable. Ce serait accepter la délusion.

Dit autrement pour un nihiliste, la seule manière de ne pas vivre dans la délusion, c’est d’être un nihiliste (et s'ils peuvent penser comme ça, c’est parce qu’ils se méprennent profondément sur ce qu'implique “vivre”).

Ils ont une sorte d'ombre collectiviste qui les oblige implicitement à dépendre et à chercher un ancrage externe afin d’être aligné avec tout le monde, plutôt que de prendre la responsabilité de créer leur propre part d’ancrage.

Créer leur propre part d’ancrage serait une forme d’hérésie, ce serait forcément la preuve et l’acceptation que tout est absurde et “inventé” (sous-entendu, faux et illusoire, “non-primaire” juste secondaire).

Parce pour eux, implicitement seul Dieu peut “inventer” la réalité (là ils ont juste), et qu’ils ne sont certainement pas Dieu (là ils ont faux).

Et tous ces biais leur font se voiler la face en croyant justement ne pas se voiler la face.

Parce qu’ils ratent le principe que la Vie (et plus largement la Nature) dont nous faisons partie intégrante, cherche à nous faire lâcher prise sur les ancrages externes, qu’elle cherche à se transcender encore et encore,

et que de ce point de vue ne pas se voiler la face consiste à aller avec la vague de ce principe et de son mouvement, et non y résister.

La double méprise des nihilistes

Au fond la méprise des nihilistes ce n’est pas seulement de croire que eux ne sont pas déludés, non, leur méprise c'est surtout de croire que la perception créatrice des gens normaux = de la délusion.

Ils ne réalisent pas l’absurdité de leur approche.

Si ce n'était pas pour ce principe créatif et transcendantal de la Nature, l'outil qu'ils utilisent pour raisonner sur le réel... ne serait pas réel.

L'erreur est de croire que la transcendance de la perception est une sorte d’accident exceptionnel qu’il faut corriger (ce qui n’est pas sans rappeler l’éliminativisme réductionniste).

Sans réaliser que dans la conception et l’évolution de la Nature, ce n’est pas l’exception mais la règle.

Croire que la transcendance de la perception est une erreur accidentelle, c’est comme de croire que le tour de magie d'un magicien est de la prestidigitation (une “illusion” et non de la “vraie” magie) par accident, et donc que les spectateurs et le magicien lui-même sont confus et se voilent forcément la face sur la réalité.

Voir la vérité sur la vie, c'est voir (à travers) la perception naturelle et tout ce qui va avec.

Symbiose du calibrage de l’outil avec l’usage de l’outil.

À partir du moment où tu essaies d'utiliser l’outil pour voir quelque chose d’autre que ce qu’il a été développé et calibré pour voir, tu négliges que l’outil n'est pas fait pour,

que la vision qu’il te donne est indissociable de son calibrage, 

et donc dans cet usage il ne peut que te mener à des corruptions et des délusions.

Désaccord du calibrage de l'outil avec l'usage de l'outil.

Peu importe ce que ça donne, ça ne peut pas être la vérité.

Tu ne peux pas t’abstraire de toi-même.

Ironiquement, le nihilisme est en fait l’une des perspectives qui se rapproche le plus d’une fabulation sans ancrage et d’une illusion individuelle (non partagée).

Parce qu’être nihiliste c’est aller contre la "Volonté” de la Nature toute entière (par manque de recul sur celle-ci).

Et s'il y a bien un truc qu’on peut en effet considérer comme un support externe, c’est la Nature.

Être nihiliste, c’est créer une fabulation individuelle qui va contre les courants de ce support qu'est la Nature,

en prétendant pourtant se rapprocher de la Nature.

La méprise est radicale.

Pour avoir le nihilisme, il faut la pensée egoïque et myope (qui ne regarde pas assez loin et qui réfléchit trop autour de lui-même).

Ce n'est donc pas une "révélation" (un retrait) mais une fabulation (un ajout).

D’où la qualification de fausse purification.

C'est un ajout qui se méprend pour un retrait.

Et l'ironie c'est que de toute manière, c'est de la délusion de croire que le retrait est une approche qui mène à la vérité.

En essayant de retirer des choses tu retires la vérité patate.

Parce qu’encore une fois, notre perception et nos relations avec le monde font partie intégrante de la réalité.

Et essayer d’empêcher ça, c’est comme essayer d’empêcher le réel, et non se rapprocher du réel.

Essayer d’empêcher notre perception et nos relations avec le monde, c’est juste changer notre perception et nos relations avec le monde, et non s’en extraire.


La confusion entre fausse magie et vraie magie

Pour imager tout ça, si la nature était un spectacle de magie, le nihiliste serait un spectateur naïf qui réalise pour la première fois en plein spectacle que ce n'est pas ce qu’il conçoit comme étant de la “vraie” magie, et qui essaie lourdement d’alerter tous les autres spectateurs de sa “révélation” sur la supercherie, parce qu’il pense être le seul à avoir “compris”.

Sans réaliser que 1/ la plupart des autres spectateurs sont venus profiter du spectacle en ayant parfaitement conscience que dans l’absolu, ce n’est pas ce qu’il conçoit comme étant de la “vraie” magie (mais de la prestidigitation).

Que 2 / ce qu’il appelle la “vraie” magie est en fait la seule fabulation qu'il y a : elle n’a jamais existé réellement, elle a juste été naïvement présupposée par ce spectateur. Dit autrement ce qu'il appelle la fausse magie (la prestidigitation) = la vraie magie, et ce qu'il appelle la vraie magie = de la fausse magie qui n’existe que dans les films et  livres de fantaisie. Il y a une confusion.

Et enfin que 3 / sa “compréhension” s’inscrit dans une incompréhension plus large : il pense avoir tout compris mais justement il n’a rien compris, il est à côté de la plaque.

Donc on retrouve cette double méprise : croire que nous on est dans le vrai alors qu’on est dans le faux, et croire que les autres sont dans le faux alors qu'ils sont dans le vrai (car ils se laissent porter par les principes de la Nature).

D'un point de vue de la spiritualité non-dualiste, le nihiliste étant lui aussi une partie de la Nature/Dieu, on peut même pousser l’analogie encore plus loin : le nihiliste est un spectateur qui a oublié qu’il a lui-même produit ce spectacle et tous ses tours. Et quand il ira porter plainte contre le producteur de ce spectacle pour supercherie, il se retrouvera... face à lui-même.

On se dirait de toute évidence que ce producteur est manifestement dans une profonde méprise sur ce qu'il pense être une “supercherie”, et que s’il se rendait compte de la méprise, ce producteur n’aurait plus de problème (si ce n'est son amnésie !)

Et de la même manière, le nihiliste avec sa vision “critique" de la réalité est lui aussi dans une profonde méprise de ce type.


La naïveté du nihilisme

Quand tu y réfléchis le nihilisme est absurde.

Car il dépend d'une encapsulation naïve qui s’est brisée, et qui pourtant est toujours prise au sérieux.

Je veux dire, rien que d’envisager que ça pourrait être possible que les choses aient un ancrage externe, universel et éternel ça relève d'une encapsulation monumentale.

Cette croyance naïve que les choses doivent avoir un ancrage universel et absolu, qui permet de les justifier en dehors d’elles-mêmes.

Cette croyance naïve que si on remonte et qu’on s’éloigne on trouvera forcément une justification, un fondement.

Et qui si on avance dans le temps on trouvera toujours des conséquences significatives, que ça ne s'arrêtera jamais.

Techniquement si tu y réfléchis un peu tu réalises vite que c’est ultra-improbable et même impossible que les choses aient un ancrage externe et éternel.

Ça implique une régression infinie, parce que chaque ancrage externe doit lui-même avoir un ancrage externe.

La seule manière d’y croire en fait, c’est de ne pas y avoir réfléchi, et de l’avoir accepté comme vérité sans se questionner.

Je veux dire dans le développement évolutif d’un univers,

il faut bien que de nouvelles bases soient définies “arbitrairement” un moment donné,

sans ça il n’y aurait rien de nouveau à émerger.

L’Univers ne peut pas rester indéfiniment sur les mêmes bases.

Et par conséquent on ne peut pas remonter et s’éloigner indéfiniment des choses sans perdre de rapport.

Le seul type de monde dans lequel il y a possibilité d’avoir un ancrage externe absolu, c’est un monde statique dans lequel rien n’évolue, et dans lequel absolument tout a déjà été défini depuis le début.

Ce qui encore une fois explique pourquoi beaucoup de nihilistes sont des esprits qui sortent tout juste du stade Bleu au niveau des dynamiques développementales en spirale.

Dans le stade Bleu, l’esprit part encore du principe (au moins implicitement) d’un monde absolu qui a été intégralement pensé et créé par Dieu.

Le mythe de la genèse, tout ça.

C’est seulement en partant de ce genre de conception (et en changeant en cours de route) que le nihilisme peut exister.

Si tu pars dès le début d’une conception évolutive du monde, il n’y a aucune raison de chercher un ancrage externe, ou même de croire qu’il pourrait y en avoir, et donc le nihilisme n’a pas vraiment lieu d’être.

L’esprit qui sort du stade Bleu découvre l’évolution, même s'il accepte l'idée (ce qui n'est pas gagné) l’idée n’a pour autant pas encore eu le temps de percoler, et donc il est naïvement susceptible au nihilisme.

Pour lui si les choses n’ont pas de conséquences à très long terme, elles ne servent à rien.



Pour en revenir sur le sens du réel

Bref, c'est pour ça qu’il y a deux épisodes, je vous disais que la problématique à laquelle on se confronte dans ma conception réel.

Ce n'est plus tellement de savoir qu'est-ce qui est réel et qu'est-ce qui n'est pas réel ?

Mais de savoir, qu'est-ce qui va avoir un impact positif et qu'est-ce qui va avoir un impact négatif sur la structure logique de la vie et sur le cours de la vie ? Qu'est-ce qui est "utile" et qu'est-ce qui n'est pas "utile" ? (je précise que utile est à prendre au sens large, d’où les guillemets).

Je suis quelqu'un d'éminemment pragmatique.

Et je pense que la croyance a émergé en grande partie pour les conséquences pragmatiques qu'elle apporte.

Encore une fois les conséquences des croyances religieuses ou plus largement spirituelles sur la vie des êtres humains ont été énormes dans le passé et le sont toujours dans le présent.


Le rôle de la croyance

En fait avec l'avènement de la raison, on est passé dans une ère où le rôle de la croyance n'est plus autonome.

On ne croit plus pour croire et les conséquences que ça apporte sur nos vies.

On croit pour vérifier ce qui est, pour confirmer ce qui est, etc.

On ne doit croire que les choses qui sont déjà vraies.

Les choses pour lesquelles il y a des preuves et des évidences.

Ce qui peut paraître raisonnable et intelligent au premier abord, mais qui est en fait complètement con.

Parce que le monde est évolutif.

Il est notamment la résultante des actions des êtres vivants.

Un moment donné il faut croire à ce qui n'existe pas, il faut croire à l'imaginaire pour faire changer le monde.

Et les raisonnements de correspondance logique peuvent difficilement rendre compte de ça.

Comme je le disais il y a trois épisodes de ça, le futur ne sera jamais vérifiable avant d'être passé, alors pourquoi se priver de croire dans un futur meilleur que le présent ?

Du coup fondamentalement, la croyance c'est quelque chose de contradictoire avec la réalité, ou tout du moins d'additif.

Le rêve de la planète n'est pas fait pour être un miroir de ce qu'est le monde sans ce rêve.

Sans ça il n'aurait pas d'utilité.

Le rêve de la planète c'est une couche supplémentaire à ce qui existe déjà.

C'est un nouveau plan.

C'est un vecteur d'évolution.

C'est un pouvoir causal qui vient s'ajouter et qui change complètement la dynamique de la vie.

Parce qu'on peut croire en des idéaux, parce qu'on peut croire à ce qui n'est pas encore.

Et agir dans cette direction mentale.


Et sur ce on reparle de tout ça dans le prochain épisode !


Maîtrisez votre esprit, développez votre conscience, élevez votre existence !

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