Dans cet épisode on va parler de cynisme. Dans le sens contemporain du concept.
Qu'est-ce que le cynisme dans le sens contemporain ? Pour dire les choses simplement, en gros c'est l'opposé de l'idéalisme.
Une personne qui est cynique, c'est une personne qui a perdu toute forme d'idéalisme à propos du monde, de la vie, de l'humanité, etc. Une personne qui est désenchantée, désabusée, désillusionnée.
Le cynisme est un cousin de plein d'autres dispositions négatives : pessimisme, nihilisme, fatalisme, dépression, désengagement, et j'en passe.
Mais il reste distinct de chacun de ses cousins malgré tout.
Pourquoi on va parler de cynisme ici ? Parce que pour beaucoup de personnes le cynisme c'est une étape du voyage développemental de l'esprit.
Et pour dépasser le cynisme, il est important de mieux le comprendre et de l'intégrer.
Tout d'abord, pour éviter toute confusion j'insiste d'emblée que le cynisme dont il est question ici n'a pratiquement rien à voir avec le cynisme originel, le cynisme "philosophique".
Non je parle de la version moderne et contemporaine du concept de cynisme.
Qui sont des concepts très différents.
Donc je disais que le cynique c'est une personne qui est désenchantée à propos du monde et de la vie. Désabusée, désillusionnée.
Une personne qui voit les vices "cachés" derrière les apparences. Et qui a tendance à faire une fixation dessus, au détriment du reste.
Quand le cynisme devient extrême, la personne cynique a carrément perdu la foi et l'espoir, en particulier dans l'humanité. Dans le sens où elle croit que c'est une cause perdue, et que le futur ne changera rien au présent à ce niveau-là, que c'est un problème trop enraciné.
La seule chose qu'on peut faire, c'est faire avec.
Le cynisme est souvent associé au mépris et au sarcasme.
Le mépris et le sarcasme dirigés vers ceux qui croient encore naïvement et "bêtement" aux illusions des idéaux à propos du monde et de l'humanité.
Ceux qui sont aveugles, ceux ne se sont pas encore rendus compte de l'illusion ou qui s'y attachent consciemment ou inconsciemment.
Parce que pour le cynique, ces personnes se voilent la face, elles se protègent et refusent de voir la réalité en face.
Et de constater cette attitude de la part de l'humanité, en fait cela rend le cynique encore plus cynique, parce qu'il trouve ça pathétique. Pathétique, dans le sens de pitoyable.
C'est très important selon moi d'opposer le cynisme à l'idéalisme, car quelque part on ne peut pas être cynique si au fond on n'est pas idéaliste. Ou si tout du moins, on n'était pas idéaliste avant.
Pour être cynique, il faut soi-même comprendre l'idéalisme. Au moins un peu.
Le cynisme vient en quelque sorte du décalage entre ce qu'on aimerait que le monde soit idéalement et ce qu'on perçoit qu'il est vraiment.
Autrement dit, et c'est un point très important, le cynique ce n'est pas une personne qui ne croit en aucun idéal depuis toujours, une personne qui est née comme ça.
Non, c'est une personne qui ne croit plus en aucun idéal à force d'avoir été confronté avec la réalité.
Et déçu de cette réalité.
Encore une fois le cynisme est avant tout une étape développementale.
Bien sûr il y a des prédispositions à devenir cynique,
mais ce que je veux dire c'est que le cynique n'est pas une personne qui depuis toujours a naturellement de faibles attentes, une faible estime des choses ;
non, c'est une personne qui a de faibles attentes, une faible estime des choses pour coller avec la réalité à laquelle elle a été confrontée.
Tout ça pour dire que même s'il y a des prédispositions, on ne naît pas cynique, on le devient.
D'où l'idée parfois d'associer le cynisme à une forme de fatigue, une forme de lassitude.
On peut donc aussi opposer le cynisme avec la naïveté.
La naïveté dans le sens de la fraicheur innocente de l'enfant qui découvre le monde, mais pas seulement.
On peut tout à fait être un vieux roublard et avoir une naïveté à propos du monde qui nous protège du cynisme.
Une naïveté qui pour le coup relève davantage de ce que j'appelle le mécanisme d'encapsulation de la conscience.
Je vais vous donner un exemple qui va vous permettre de mieux comprendre l'opposition entre cynisme et naïveté.
Admettons qu'une nouvelle méthode révolutionnaire sorte pour obtenir tel ou tel résultat. Disons pour mincir et perdre du poids.
L'attitude naïve va être de croire à 100% dans cette méthode et de se jeter dessus.
L'attitude cynique ça va être au contraire de garder du recul, de présupposer que c'est probablement de l'arnaque, que cette méthode ne marche probablement pas bien, ou tout du moins pas aussi bien qu'elle est vendue.
Et là je vous fait remarquer qu'on peut déjà voir un lien entre engagement et naïveté/illusionnement d'une part, et entre désengagement et cynisme/désillusionnement d'autre part.
Ce dont on va reparler toute à l'heure.
Bref, et quand effectivement cette méthode soit disant révolutionnaire ne donnera pas les résultats escomptés, l'attitude naïve va être de s'accrocher, de continuer à y croire malgré tout, de retenter en y mettant plus d'efforts.
Alors que l'attitude cynique ça sera de se dire "ben évidemment que ça ne marche pas, quelle surprise".
Autrement dit l'attitude cynique ça va être de penser que les grandes promesses de cette méthode prétendue révolutionnaire n'ont jamais été le reflet d'un réel espoir, mais le reflet du désir de ses créateurs de se faire de l'argent sur le dos de pigeons naïfs. En exploitant leurs désirs.
Et encore une fois le cynique ne pense pas comme ça depuis son arrivée dans le monde.
Non, le cynique c'est celui qui a vu tellement d'arnaques ou tout du moins de produits survendus, que du coup ben quand un nouveau produit fait de grandes promesses il présuppose par défaut que c'est une arnaque, ou tout du moins que c'est largement survendu.
Comme tous les autres qu'il a vu passer avant.
Il voit venir l'arnaque gros comme une maison, il voit les grosses ficelles, l'illusion ne prend plus sur lui.
Il voit du bullshit partout, là où le naïf n'en voit nulle part.
Le naïf présuppose la bonté et l'honnêteté, il présuppose la concordance et la transparence entre les apparences extérieures et les intentions intérieures.
Le cynique présuppose tout le contraire.
Cela dit, le cynique ne se limite pas à penser que les hommes sont des loups pour les hommes. Sinon il serait juste une sorte de conspirationniste.
Non, comme suggéré plus tôt, le cynique accepte également que les gens croient authentiquement et aveuglément dans des causes perdues.
Autrement dit, le cynique présuppose l'illusionnement. Ou pour faire un anglicisme le "délusionnement".
Donc pour en revenir au nouveau produit révolutionnaire dont les promesses sont en décalage avec la réalité, pour le cynique c'est tout aussi possible que le vendeur du produit soit un manipulateur hypocrite et mal intentionné que c'est possible que le vendeur soit lui-même une sorte d'illuminé convaincu, qui se voile la face sur le pouvoir de son produit.
Mais donc qui n'est pas mal intentionné, juste illusionné, et qui croit authentiquement dans son bullshit.
Et je dirais même que c'est ce second versant qui caractérise davantage le cynisme, et qui fait encore une fois qu'on rattache souvent le cynisme avec le mépris et le sarcasme.
Le mépris et le sarcasme envers les gens qui se font des illusions.
Cette perspective que les êtres humains sont tellement fourvoyés dans des illusions qu'ils croient à leur propre bullshit, cette perspective que tout est une gigantesque farce tragique et pathétique.
Tragique parce que même si les illusions favorisent l'entrain et l'engagement sur le court terme, ben sur le long terme comme ce sont des illusions elles ne mènent pas à de bonnes issues, elles mènent ultimement à des désillusions.
Pour moi c'est plus ça, cette présupposition que les êtres humains s'illusionnent qui caractérise le cynisme, que la présupposition que les gens ont des intentions égoïstes masquées.
Dit autrement, oui le cynique pense que la tromperie et la manipulation sont partout dans ce monde, mais pas juste de manière consciente et délibérée, bien au contraire.
Il s'agit essentiellement d'auto-tromperie ou d'auto-illusion.
On en revient à ce dont je vous ai déjà parlé dans plusieurs épisodes, et notamment les épisodes 312 et 313.
Oui nos comportements humains sont propulsés par des intérêts égoïstes, mais ça se fait très souvent à notre propre insu.
On est nous-mêmes pas conscients de ce qui nous motive réellement.
Donc bon résumer ce point, le cynique n'est pas cynique vis-à-vis des intentions conscientes des gens, mais cynique vis-à-vis des motivations qui animent les gens, motivations qui elles sont souvent inconscientes.
Autrement dit, un élément fort du cynisme, c'est qu'on ne peut pas se fier aux gens.
Mais ce n'est pas juste parce qu'ils ont de mauvaises intentions qu'on ne peut pas s'y fier, non c'est surtout parce qu'indépendamment des intentions, ils sont motivés par de mauvaises choses.
Bref pour en revenir à l'illusionnement, en gros un élément important du cynisme c'est de penser que les êtres humains ont tendance à projeter de l'espoir mal placé, à tort et à travers.
Comme si on ne pouvait pas s'empêcher d'idéaliser les choses.
Le cynique voit l'être humain comme un animal qui croit et idéalise de manière primale et instinctive, plutôt que comme un être intelligent qui croit et idéalise seulement quand c'est pertinent et justifié par la raison.
Et étant donné que l'espoir est lié à l'engagement, une autre manière de dire les choses, c'est que pour le cynique la plupart des engagements humains ne sont pas très différents de l'engagement religieux.
À savoir des engagements qui ne sont pas basés sur des "évidences rationnelles", et qui nous font nous sentir mieux, qui nous font "croire".
Exemple : l'élan qui nous pousse à fonder une famille.
Dans la langue anglaise, les mots pour "croire" et "croyant", respectivement "believe" et "believer", ils sont fortement rattachés à la confiance et l'engagement dans quelque chose.
Croire, ce n'est pas juste quelque chose de passif, c'est un moteur.
Comme en français quand on parle de croire en soi. C'est pratiquement synonyme d'avoir confiance en soi.
Et quand on parle de croire en soi, c'est pratiquement toujours en relation avec des engagements.
Pourquoi on va dire qu'une personne ne croit pas en elle ? Parce qu'elle est désengagée, parce qu'elle ne se lance pas, etc.
Et pourquoi on lui dira de croire en elle ? Pour qu'elle se lance.
Encore une fois on retrouve cette idée de croyance motrice.
...
Bref, une personne non religieuse aura tendance à faire une distinction entre elle et les personnes non religieuses.
Dans le sens où elle pensera que les personnes religieuses et non religieuses ne fonctionnent pas pareil mentalement.
Mais pour le cynique c'est juste l'objet qui change. Le mode de fonctionnement est le même.
Pour le cynique l'élan intérieur qui pousse certaines personnes à l'engagement religieux est un élan qui est partagé par les personnes non religieuses dans leurs propres engagements personnels.
Quand on s'engage dans une quelconque cause, ou un quelconque projet, notre engagement n'est pas rationnel, il relève plus de la foi.
Comme si chaque engagement était une sorte de micro-religion individuelle.
On peut expliquer et rationaliser notre engagement. Mais ce n'est pas ça qui a créé l'engagement en premier lieu.
Notre engagement n'est pas basé sur les "évidences" rationnelles.
Ce qui crée notre engagement en premier lieu c'est plus quelque chose d'émotionnel ou ce que j'appelle "valeurgique".
Ça résonne avec nous, ça nous parle, et donc on s'engage dedans.
Et de la même manière qu'avec la religion, quand on s'engage dans une quelconque cause, ou un quelconque projet, on a tendance à s'imaginer des choses largement au delà de ce que la raison peut nous assurer.
// des perspectives
ça fait partie de notre machinerie, parce que c'est avantageux d'être naïf de la sorte. Hum cela dit on en revient au problème de l'estime de soi qui pourrait tout à fait être calibrée haut sans self-deception
Et c'est justement cette imagination exagérée qui nourrit notre engagement en fait.
Ça renforce notre sentiment d'agentivité. Même si c'est souvent un renforcement artificiel et illusoire de l'agentivité.
Le sentiment d'agentivité au passage, c'est tout simplement le sentiment qu'on peut faire quelque chose pour contrôler notre destin, le sentiment qu'on a du contrôle sur les choses, qu'on peut les influencer.
Et ça s'oppose au sentiment qu'on ne peut rien faire à quelque chose. Qu'on est impuissant. Une espèce de fatalisme.
Et du coup, par extension, le cynisme se rapproche du tragique.
Dans le sens où le cynique est une personne qui voit que la plupart des tentatives humaines sont des sortes d'auto-arnaques, des faux espoirs qu'on se crée et qui nous motivent à nous engager, des faux espoirs qui créent un sentiment illusoire d'agentivité, mais qui sont ultimement futiles.
Un peu comme un enfant qui joue au docteur mais qui croit vraiment qu'il est en train de soigner son "patient".
Et donc le cynique finit par penser qu'en réalité l'être humain n'a que très peu de réelle agentivité, qu'il ne peut rien faire pour vraiment changer, il est impuissant.
Toute promesse de changement qu'il se fait est probablement une illusion qui va se révéler comme telle avec le temps.
L'être humain passant d'une illusion d'espoir à une autre.
Et cette impuissance malgré les tentatives d'avoir du contrôle, c'est impuissance malgré les idéaux, c'est un élément fort du tragique.
Si vous voulez ce désenchantement du cynique à propos du monde et de l'humanité, c'est un peu une exagération de ce qui se passe quand on passe d'enfant à adulte.
Les enfants sont davantage dans un enchantement à propos du monde et de la vie que les adultes.
À l'état adulte on a tendance à perdre progressivement notre naïveté et notre enchantement à propos du monde et de la vie.
Ce qui nous amène à un autre lien important : l'intelligence.
Le cynique a tendance à être plus intelligent que la moyenne.
Et c'est cette intelligence et le discernement qui va avec, qui le mène au cynisme.
Beaucoup de personnes ne deviennent jamais cyniques, même avec l'âge, tout simplement parce qu'elles sont limitées intellectuellement.
Et par limitées intellectuellement je ne veux pas simplement dire parce qu'elles n'ont pas suffisamment d'intelligence.
Non je veux surtout dire parce qu'elles ne sont pas disposées à utiliser leur intelligence d'une manière globale.
En ce sens tu peux avoir beaucoup d'intelligence mais être limité intellectuellement parce que tu ne cherches pas davantage à étendre ta compréhension du monde, tu utilises juste ton intelligence pour tes propres intérêts.
Du coup ces personnes avec l'âge leur vision du monde n'évolue pas vraiment. Et elle n'évolue pas parce qu'elles ne cherchent pas davantage à mieux comprendre le monde.
Elles sont encapsulées.
Consciemment ou inconsciemment, elles se protègent, elles se maintiennent dans leur cocon psychologique, dans leur capsule de conscience.
Ces liens entre cynisme, désengagement et intelligence font écho à une fameuse citation.
Début de citation : "Le problème avec le monde, c'est que les gens intelligents sont pleins de doutes tandis que les plus stupides sont pleins de confiance."
Citation de Bertrand Russell, même si parfois elle est attribuée à Charles Bukowski.
Et cette citation va me permettre de rebondir sur le thème de l'engagement et du désengagement.
Le cynique perçoit donc la réalité plus objectivement, et donc avec moins d'illusions embellissantes.
Encore une fois, pour le cynique, la plupart de l'humanité est mue par un fourvoiement dans des illusions.
Les illusions alimentent et superchargent les motivations.
Les êtres humains chassent de faux espoirs.
Ce qui est pourquoi le cynique a tendance à être beaucoup plus désengagé et démotivé que le non-cynique.
Parce que pour s'engager dans quelque chose, il faut croire dedans. Ou tout du moins croire dans ce que ça va t'apporter.
Et c'est d'autant plus vrai pour s'engager à fond dans quelque chose au détriment du reste.
Pour sacrifier le reste, tu dois vraiment croire que ce dans quoi tu t'engages en vaut la peine.
Et donc, au bout du compte, pour croire dans la plupart des entreprises humaines, ben il faut se voiler la face, il faut se faire des illusions, il faut se les survendre.
Il faut les croire beaucoup moins limitées qu'elles ne le sont en réalité. Il faut croire que leur influence est plus grande qu'elle est vraiment.
C'est difficile d'avoir de la ferveur pour quelque chose que l'on sait limité.
Pensez par exemple à tous ces combattants de MMA de haut-niveau qui croient en Dieu et qui croient que Dieu regarde leur combat, voire qui croient que Dieu est de leur côté.
Ça leur donne de la ferveur.
Pensez par exemple au prêcheur de spiritualité New Age qui croit à fond dans son bullshit et donc qui n'a aucun scrupule à vendre ses messages et à continuer à le vendre année après année.
Bien sûr c'est relativement extrême comme exemples, on entre dans le domaine de la spiritualité, de la religion et de la foi.
Mais ne vous méprenez pas.
C'est ce qui se passe dans une moindre mesure dans à peu près toute entreprise, y compris les entreprises les plus mondaines et terre à terre.
Même quand une entreprise ne vend pas de bullshit elle a tendance à se survendre son produit, et donc in fine à être en décalage avec la réalité elle aussi.
Il y a une version moindre de la foi religieuse, qui permet à l'entreprise de s'engager sur le marché avec plus de ferveur, avec plus de confiance dans son produit.
Certes quand la distance avec la réalité n'est pas trop grande, on peut arriver à se convaincre de vendre sans se faire d'illusion,
mais quand la distance est grande, il est nécessaire d'être naïf et de croire soi-même dans l'illusion.
Et attention, par naïf je ne veux pas dire avoir une fraîcheur innocente, être nouveau dans le game, ne pas être accoutumé, etc.
Non. Être naïf ça veut surtout dire être dans sa bulle et la préserver.
Par exemple, un chef d'entreprise peut être considéré comme naïf s'il croit vraiment que son produit est le meilleur du marché alors que pas du tout.
Un combattant peut être considéré comme naïf s'il se croit beaucoup plus fort qu'il ne l'est vraiment.
Un vendeur d'une méthode miracle peut être considéré comme naïf s'il croit vraiment dans sa méthode.
La naïveté est nécessaire pour croire à son propre bullshit.
Si vous voulez on peut parler d'une naïveté égoïste, une naïveté sélective, qui sert nos propres intérêts.
Et comme on l'a vu, le cynisme s'oppose à la naïveté, et en particulier à cette forme de naïveté.
Le cynique ne se fait pas d'illusion de ce genre, et ne parvient pas à se forcer à en faire, ou se convaincre d'en faire.
La distance mentale à parcourir est toujours trop grande pour lui.
// Cynisme hypocrisie honnêteté
// corrélation cynisme et pauvreté
S'il se forçait, il aurait trop le fameux syndrome de l'imposteur.
Et tu ne peux pas en même temps avoir le syndrome de l'imposteur et la ferveur de celui qui croit à fond dans ce qu'il fait.
Par exemple si le cynique était un vendeur, il se dirait "mais comment je peux faire pour vendre ce produit alors que je sais pertinemment qu'il ne vaut pas grand chose ou pire que c'est du bullshit ?"
Ce qui est pourquoi le cynisme mène au nihilisme.
Mais pas à un nihilisme généralisé, plus à ce qu'on pourrait appeler un nihilisme pratique.
Si la plupart des tentatives humaines sont futiles, si elles sont animées par de faux espoirs, alors à quoi bon se casser le cul ?
C'est ça le nihilisme pratique.
Une croyance que les efforts n'en valent pas la peine, une croyance que les efforts sont vains.
Dit autrement, une croyance que ce qui donne de la valeur aux efforts, ce sont les illusions qu'on se fait à propos d'eux.
Et que donc si on retire les illusions, ils n'en valent plus la peine.
C'est probablement l'une des raisons pour lesquelles les cyniques gagnent moins d'argent que les non-cyniques.
Avant de terminer je veux revenir sur l'illusion et le pragmatisme.
Le cynique présuppose l'illusion.
Qu'est-ce que j'entends par présupposer l'illusion ?
Eh bien pour reprendre l'exemple de toute à l'heure, admettons qu'une nouvelle méthode révolutionnaire sorte pour obtenir tel ou tel résultat. Par exemple disons pour mincir et perdre du poids.
Les personnes naïves vont se ruer dessus parce qu'ils vont présupposer la réalité.
Mais le cynique lui, il présupposera par défaut que c'est probablement une illusion. Que c'est probablement de l'arnaque, et que ça ne marche probablement pas vraiment.
Que c'est juste des gens qui sont poussés à se faire de l'argent en manipulant les illusions des autres, et probablement en se manipulant eux-mêmes.
Parce que c'est ça qui marche, et que bien souvent c'est une question de survie pour une entreprise de vendre du rêve et de croire en son rêve.
C'est pragmatique.
Tu peux difficilement survivre en étant honnête. Dans le sens où l'honnêteté te fera faire des promesses vraiment très modestes, sans garanties, et peu aguichantes.
Et ce n'est pas juste parce que les gens sont crédules et se font avoir par les promesses malhonnêtes,
non, c'est aussi parce qu'au fond les gens ne veulent pas de la dure et froide vérité, ils veulent être bercés d'illusions réconfortantes, ils veulent de l'espoir, même si c'est de l'espoir creux et artificiel.
Et ça cela vaut autant pour les consommateurs que pour les créateurs. Il y a une sur-projection d'espoir. On fantasme le potentiel des choses. On les survend.
Altruisme, idéaux = font ça pour l'influence et/ou parce que c'est ça qui les excite, c'est leur "fetish".
Le cynique réalise que même la poursuite de grands idéaux est souvent une question d'influence sociale ou d'excitation égoïste,
ce qui est pourquoi leur application pratique est secondaire.
C'est-à-dire que finalement les gens s'engagent là-dedans pour ce que ça leur apporte, et ne le feraient certainement pas sans ça.
Pour certaines personnes réfléchir à de grands idéaux est en quelque sorte un fétiche sexuel, une forme littérale de branlette intellectuelle.
Mais le problème c'est qu'ils sont beaucoup plus excités par l'idée de faire que par le faire.
Un peu comme un enfant qui fantasme sur un concept de jeu-vidéo sans jamais essayer de le mettre en œuvre.
le fait pour le le feel égoïste le feeling de sentir bien en fait de poursuivre cette idéal autrement dit on le fait pour soi on fait pour quelque chose de primitif comme une sorte de fétiche de fantasme c'est ça qui nous excite
excité par l'idée de faire, par la branlette intellectuelle, mais pas vraiment par la pratique
Et tout ça, de percevoir que l'altruisme n'est souvent qu'une façade de l'égoïsme, de percevoir que le bien est souvent animé par le mal et la corruption,
de percevoir que les gens se manipulent et s'exploitent mutuellement les uns les autres pour s'élever,
de percevoir que les gens se bercent d'illusions pour maintenir leur santé mentale et continuer à croire en la vie,
de percevoir que la force qui met les projets en mouvement n'est pas l'authenticité, la pureté ou la passion mais l'excitation, la nécessité et l'avarice,
de percevoir que la nécessité mène à la tromperie, que l'honnêteté est un handicap.
// les gens ne croient pas en ce qu'ils vendent, ou ils sont trop bêtes pour réaliser que c'est bidon
Pour moi, tout ça capture vraiment l'essence du cynisme désabusé. Tu perçois en gros que tout est une gigantesque farce.
Ce qui est pourquoi le cynisme est souvent associé à une forme de sarcasme.
Par exemple typiquement une personne cynique va trouver absurde et ridicule les personnes qui croient en une religion.
Pour eux c'est risible de croire à un truc pareil.
En ce sens, les satires sociales ont souvent une base cynique.
, caricature
Les idéologies types Red Pill et Black Pill se rapprochent également du cynisme, notamment vis-à-vis de la "Blue Pill".
(Cette idée que les filles ne peuvent pas vraiment t'aimer, qu'elles en sont incapables, est aussi très cynique).
Similaire Red Pill face à blue pill
Black Pill encore plus
Précédemment je vous disais que pour être cynique, il faut soi-même comprendre l'idéalisme. Au moins un peu.
Le cynisme vient en quelque sorte du décalage entre ce qu'on aimerait que le monde soit idéalement et ce qu'on perçoit qu'il est vraiment.
Que ce soit dans l'idéalisme ou dans le cynisme, il y a donc une activité mentale des idéaux.
L'idéalisme et le cynisme sont toutes deux des attitudes actives.
En opposition à l'indifférence par exemple.
Le cynisme peut donc être considéré comme une focalisation mentale sur la déception des idéaux.
Ce que je veux dire par "focalisation", c'est qu'on ne peut pas vraiment considérer que tu es cynique juste parce qu'un jour tu as pensé au monde de manière cynique.
Non, pour que tu sois cynique, ça doit être quelque chose de soutenu à travers le temps. Ça doit être quelque chose à laquelle ta pensée revient souvent. Ça doit être quelque chose qui prend du poids dans ta façon de percevoir le monde.
De la même manière qu'un idéaliste n'est pas une personne qui parfois pense à des idéaux.
Non un idéaliste c'est une personne qui est focalisée sur des idéaux et qui néglige le reste.
Ce que je veux dire par là, c'est que l'idéaliste et le cynique ont tout deux des lunettes qui grossissent certains aspects de la réalité.
Leur problème n'est pas tellement ce qu'ils voient, mais le manque d'équilibre dans leur manière de voir.
C'est assez évident de réaliser que l'idéalisme est une attitude active, parce que souvent cet idéalisme est associé à un engagement dans divers projets associés.
Mais c'est beaucoup moins évident de réaliser que le cynisme est également une attitude active, parce que justement l'activité mentale en question freine les engagements.
Bref là où je veux en venir, c'est que pour dépasser le cynisme, en fait il n'est pas tellement question de se débarrasser complètement du cynisme, mais plutôt de le mettre dans un équilibre avec d'autres attitudes mentales.
Notamment un équilibre à travers le temps.
Ce qui fait de toi un cynique c'est que tu es en quelque sorte verrouillé à travers le temps dans cette attitude mentale.
Ce genre de cynisme est maintenu par une négligence de tout ce qui ne correspond pas au cynisme.
Autrement dit, ironiquement, le cynique a tendance à lui aussi être dans une forme d'aveuglement.
C'est exactement le miroir inverse de la naïveté (d'où le concept de cynisme naïf d'ailleurs).
Dans le sens où une personne naïve a tendance à être idéaliste et optimiste essentiellement grâce à la négligence.
Elle maintient cette attitude mentale en ignorant/évitant/déniant les aspects de la réalité qui la ferait tendre dans la direction inverse.
C'est une forme de contournement en quelque sorte.
Parce que c'est facile d'être idéaliste et optimiste quand on ne considère que les aspects inspirants de la réalité.
Bien sûr ces personnes "naïves" sont quand même un minimum conscientes des aspects non idéaux de la réalité.
Mais pour elles, ça reste une abstraction cloisonnée on va dire.
Elles pourront par exemple penser que certaines personnes sont méchantes, qu'il y a eu de guerres dans le passé ou qu'il y en a "là bas", etc.
Mais ça reste globalement hors de la conscience. Et pour eux ce n'est pas quelque chose de pervasif et généralisé, mais au contraire quelque chose de localisé dans le temps et dans l'espace.
Certaines personnes sont mauvaises, mais pas tout le monde.
Ce qui fait que le cynique et le naïf maintiennent leur position mentale à travers le temps, c'est l'absence de friction. L'absence de tension. Ou l'absence de conflit si vous préférez.
Le confort mental.
Le naïf filtre le monde de telle sorte à renforcer sa naïveité.
Le cynique filtre le monde de telle sorte à renforcer son cynisme.
Biais de confirmation, tout ça.
Autrement dit ce qui permet l'aveuglement du naïf comme du cynique, c'est le sentiment de complétude et de confort dans leur vision du monde.
Leur vision limitée leur semble complète.
Ce sont toutes deux des visions en mode "hémisphère gauche". Des visions réductionnistes avec une fausse certitude.
Ce qui va faire changer d'attitude, c'est de briser ce confort et cette certitude.
C'est à dire que ce qui va transformer un naïf en cynique, c'est le sentiment que sa vision n'est pas complète, que sa vision ne rend pas compte de certains aspects "négatifs" de la réalité.
Et en intégrant petit à petit ces aspects "négatifs" de la réalité, il va progressivement devenir cynique.
Ce qui va transformer un cynique en post-cynique, c'est la même chose en fait, mais dans les deux sens.
Le sentiment que sa vision cynique n'est pas complète non plus, que sa vision cynique ne rend pas compte de certains aspects de la réalité. Mais que la vision naïve non plus.
L'esprit post-cynique ne se sent en confort ni dans la vision naïve, ni dans la vision cynique.
Dans les deux cas il ressent un manque.
Il est pris entre les deux, sans possibilité de se relaxer.
Métaphoriquement c'est comme si quand il se mettait dans le fauteuil de la naïveté, il finissait rapidement par avoir mal à la fesse gauche et donc avoir besoin de changer de fauteuil.
Mais quand il se mettait dans le fauteuil du cynisme il finissait rapidement par avoir mal à la fesse droite et donc était poussé à revenir dans le fauteuil de la naïveté.
Et le cycle se répète créant des aller-retours entre les positions réductionnistes.
Cette absence de confort dans les positions réductionnistes, elle est nécessaire pour adopter une position plus complexe et nuancée.
Avoir ce genre de friction crée le conflit mental nécessaire pour avoirs des échanges dynamiques, et une vision riche et vivante du monde, une vision en mode "hémisphère droit".
En opposition à une vision statique et réductionniste du monde.
Ce conflit et les mouvements qui vont avec, c'est un peu comme les dynamiques en spirale, mais dans ton propre esprit, et à échelle réduite.
Le pendule passe d'un pôle à l'autre.
À partir du moment où ton esprit est confortable dans une position réductionniste, il va rester dedans et s'y verrouiller.
Jusqu'à ce qu'il n'y soit plus confortable.
Donc si tu es cynique il y a plusieurs leviers pour casser ce confort et cette fausse certitude.
L'un des leviers, c'est l'engagement de bas-niveau. En effet étant donné que le désengagement et le cynisme sont dans une boucle de feedback, le désengagement causé par le cynisme finit par nourrir le cynisme.
Le cynisme devient en quelque sorte une forme d'hypnose, une forme d'envoutement. Un ensorcellement que tu dois briser.
Et tu as beaucoup plus de chances de faire des brèches dans cet ensorcellement du cynisme et avoir des ouvertures sur des perspectives antagonistes si ton corps est dans un état d'engagement.
Et ce genre d'ouvertures et les expériences qui suivront te permettront d'avoir les "insights" nécessaires à l'ancrage de ces perspectives antagonistes au cynisme.
L'idéal est d'avoir un mode de vie qui stimule l'engagement de bas-niveau (sommeil, bonne alimentation, mouvement/exercice physique, interactions sociales). Mais sans changer de mode de vie tu peux quand même t'arranger pour créer des états ponctuels ici et là. C'est un bon début.
En gros il ne faut pas perdre de vue que le cynisme chronique est un cousin de la dépression et qu'il y a une forte composante "incarnée" dans ces états mentaux, ce n'est pas juste dans la tête.
Ce qui corporellement permet de garder la dépression à distance permet également de garder le cynisme à distance.
La façon dont Internet et les médias fonctionne à tendance à renforcer et "rappeler" le cynisme chez les personnes cyniques.
Va dans la nature, connecte toi à des activités différentes, ...
Dans la même logique que le levier précédent.
Être exposé à des sources post-cyniques va par résonance entraîner un post-cynisme.
Tu n'es pas seul, c'est possible, il y a de l'espoir, et ce n'est pas naïf pour autant.
Ce genre de sources de haut-niveau peuvent nourrir un sentiment primitif de communautarisme qui est générateur d'entrain et d'engagement.
Ce levier renvoie grosso-modo à ce que j'appelle le principe de l'optimisme inébranlable, dont j'ai longuement parlé dans mes vidéos.
En résumé : déconnecte ton engagement de ta raison. Fais en sorte de maintenir ton engagement envers la vie peu importe que ce soit vain ou pas, peu importe qu'on peut réussir ou pas.
Honore la vie.
Accepte les limitations.
Accepte l'incertitude.
Ne laisse pas ça "freiner" et limiter ton engagement.
Engage-toi à faire de ton mieux malgré tout, envers et contre tout.
Meurs en ayant essayé.
Dans le meilleur des cas cette attitude t'aura mené à des ouvertures et des solutions que tu ne pouvais pas anticiper à l'avance.
Dans le pire des cas tu seras mort dans une bonne bataille.
...
Mon propos étant que le cynisme est forme glorifiée d'attitude de victime.
Même justifiée la faiblesse reste de la faiblesse.
C'est très difficile d'être juste idéologiquement cynique sans en même temps être désengagé, pessimiste, ...
Ces choses passent en passagers clandestins du cynisme, ni vu ni connu.
Le cynisme a bon dos.
Maîtrisez votre esprit, développez votre conscience, élevez votre existence !