Le 01/03/2022

La censure est-elle vraiment l'ennemie de la neutralité ? #0307



Ça peut paraître aberrant d'associer la censure avec la neutralité. Et pourtant comme vous allez le voir les apparences sont trompeuses. L'absence de régulation pouvant en effet mener à une forme de dictature, la dictature de l'attraction sensorielle.

Bonjour et bienvenue,

C'est Bertrand de la Fondation MAGister, l'école des héros du monde réel.

Dans cet épisode on va parler du bon côté de la censure des idées.

Ça peut sembler aberrant au premier abord d'associer la censure avec du positif.

Ça peut paraître encore plus aberrant d'associer la censure avec la neutralité.

Et pourtant comme vous allez le voir les apparences sont trompeuses.

L'absence de régulation pouvant en effet mener à une forme de dictature, la dictature de l'attraction sensorielle.

...

Bien sûr, naïvement on s'imagine que le seul moyen d'avoir de la neutralité, du choix, etc, c'est de laisser tout accessible de manière équivalente sur le "marché".

Mettre en place le moindre système de priorité ou de privilège, et la neutralité est perdue.

Et pour beaucoup de personnes c'est sacré ça. Tellement sacré qu'ils ne veulent même pas songer à questionner tout ça ou ne serait-ce que considérer l'idée.

Questionner la censure, c'est un peu comme de questionner l'inceste pour eux. Juste non.

Face à l'idée de censure, ils ont une réaction intuitive négative directe, presque réflexe, et derrière ils rationalisent le chemin que cette intuition réflexe les a poussé à prendre.


Et donc, défendre la liberté et l'ouverture absolue du marché des idées, laisser les gens produire ce qu'ils veulent, laisser les gens se faire leur avis sur ce qui est produit et proposé sur le marché des idées, etc, naïvement, ça parait bien.

Mais en pratique, étant donné le fonctionnement d'Internet, ça ne l'est pas.

D'une certaine manière, c'est très irresponsable en fait.

Et ça ne mène certainement pas à de la neutralité. Tout simplement parce que les biais de notre cerveau ne sont pas neutres.

Ne pas appliquer de système de priorisation, ça revient à appliquer le système de priorisation des biais du cerveau par défaut. 

Laisser une liberté totale revient à laisser nos biais prendre le pouvoir et décider de ce qui est mis en avant et de ce qui est laissé de côté.

Ce qui encore une fois, est très irresponsable vu comme ça.

Il est essentiel de discipliner les biais par défaut.

Une note importante

Avant de continuer, et je le répéterais encore à la fin, que l'on soit clair : cet article n'est pas un article pro-censure ou un article pour dire qu'il faut absolument mettre en place de la censure.

Non, c'est un article pour sortir de la fantaisie et faire réaliser que l'absence de censure et de régulation (j'expliquerai plus tard pourquoi j'amalgame les deux) sur Internet est beaucoup plus problématique qu'on ne l'imagine naïvement.

Un article pour faire réfléchir à certains gros problèmes sous-estimés qui sont liés à l'absence de régulation, notamment vis-à-vis de la neutralité.

Le fait que je soulève de gros problèmes liés à l'absence de régulation n'implique pas qu'il n'y a pas non plus de gros problèmes avec la présence de régulation. Oui il y en aussi.

Si on critique sévèrement quelque chose, ça ne veut pas dire qu'on est pour son contraire.

En fait sur ce genre de sujet, je pense qu'on ne peut pas être sérieux sans considérer qu'il y a des gros problèmes des deux côtés.

//Oui ce n'est pas contradictoire.

Dit autrement, l'absence de régulation est pour moi au mieux "le moins pire système".

Bref commençons.


Problème numéro 1 pour la neutralité : l'attraction sensorielle

Pour imager, si tu laisses des enfants faire leurs courses librement, spoiler alert, ils ne vont probablement pas acheter des bonnes choses. Ils vont sûrement acheter des bonbons et autres sucreries.

De la même manière, à une échelle plus petite, si tu laisses un gros paquet de bonbons à des enfants, un gros paquet avec plein de bonbons différents, et que tu laisses les enfants prendre ce qu'ils veulent, à la fin, spoiler alert, il ne restera que les réglisses.

Enfin ce qui est sûr, c'est que sans régulation, certains bonbons partiront systématiquement en premier et d'autres systématiquement en dernier.

Il n'y aura pas de neutralité dans la priorisation des bonbons.

Parce que les bonbons n'ont pas tous la même attractivité sensorielle.

Les bonbons qui ont la plus forte attractivité sensorielle partiront en premier.

Ceux qui ont la plus faible attractivité sensorielle seront ignorés (tant qu'il est possible de les ignorer tout du moins).

Et c'est la même chose pour les produits alimentaires dans le magasin.

Transféré aux domaines des idées, des croyances et des trames narratives, c'est encore pire niveau neutralité.

Problème numéro 2 pour la neutralité : la colonisation interne

Parce que non seulement les idées et les croyances ont une attractivité sensorielle variable, mais en plus celles que l'on absorbe en premier colonisent notre cerveau de sorte à se fermer aux autres.

Et bien sûr comme celles que l'on absorbe en premier sont celles qui capturent nos sens (celles qui ont une forte attractivité sensorielle) dans le marché des idées, eh bien les deux facteurs se combinent pour entraîner un biais encore plus fort sur les mêmes idées.

Dit autrement, les idées et les croyances qui capturent nos sens et que notre cerveau prend en premier dans le marché des idées, individuellement, elles ont plus de chances de servir de base, de fondations pour la future capsule de conscience qui va se créer par-dessus et empêcher aux autres idées et croyances d'avoir leurs chances dans notre esprit.

Ne serait-ce que parce que ces autres idées contredisent nos fondations et donc sont mutuellement incompatibles avec, mais aussi tout simplement à cause du fameux biais de confirmation, qui va nous faire chercher à consommer préférentiellement des idées qui correspondent à nos fondations.

Une fois l'inclination initiale amorcée, c'est donc bien souvent l'effet boule de neige derrière (cf. ce que je disais sur les boucles de feedback, la dissociation droitier/gaucher, et la dissociation introverti/extraverti dans la série qui commence à partir de l'épisode 250. Et notamment l'épisode 257 sur ce que j'appelle le mécanisme de fusion créatrice de destin).

Donc au niveau de l'individu, il y a déjà un gros problème de neutralité à cause de la combinaison de l'attraction sensorielle et de colonisation interne.

Mais collectivement, c'est encore pire, parce qu'un troisième facteur d'inégalité vient se combiner avec les deux premiers : la viralité.


Problème numéro 3 pour la neutralité : la viralité

Contrairement aux produits physiques que l'on consomme, qui se renouvellent seulement dans les rayons, et donc qui restent dans les rayons, et par conséquent dont l'influence restent confinée autour des rayons ;

eh bien les idées que l'on consomme quant à elles se reproduisent et se propagent en dehors des rayons.

Les idées peuvent se démultiplier, ce que les produits physiques ne peuvent pas faire.

C'est comme si les rayons d'idées se déplaçaient et venaient aux gens, et non que les gens se déplaçaient et venaient aux rayons.

Et ce qui fait de cette propagation un problème pour la neutralité, c'est qu'elle n'est pas équivalente pour toutes les idées, non, elle est proportionnelle à l'attraction sensorielle et à la colonisation interne.

Pour reprendre l'image des bonbons, c'est déjà un problème pour les enfants quand les bonbons sont dans les rayons étant donné leur forte attraction sensorielle pour leur cerveau.

Mais imaginez alors l'étendue du problème si les paquets de bonbons venaient aux enfants peu importe où ils sont, et ce alors qu'ils n'ont rien demandé ! Étant donné l'attraction sensorielle, ils cèderaient à la tentation.

Donc là aussi au niveau de la propagation, il n'y a pas de neutralité fondamentale, au contraire, il y a une exagération supplémentaire des biais causés par l'attraction sensorielle et la colonisation interne. Une sorte d'amplification si vous préférez.

Les idées sobres, constructives et nuancées ont naturellement un faible taux de propagation, elles sont globalement filtrées en dehors des consciences.

Alors que les idées clivantes et toxiques ont tendance à être virales, car elles sont simplistes et stimulent les émotions négatives, et que l'attention de nos cerveaux a un biais de simplicité et un biais de négativité.

Ce qui fait que les rayons de ces idées vont grossir et grossir très facilement. De manière inéquitable par rapport aux autres idées du marché.

Les idées qui créent de la division, les idées qui démonisent les autres, c'est le genre d'idées qui vont se propager.

Et à partir de là on en revient au problème individuel de l'attraction sensorielle et de la colonisation interne : grâce à cette exposition, une fois qu'une idée est rentrée dans la tête d'une nouvelle personne et s'est intégrée, il n'y a plus de neutralité chez cette personne.

Collectivement les idées se propagent par l'attraction sensorielle, puis individuellement cette propagation infecte les masses ignorantes par l'attraction sensorielle et la colonisation interne.

L'attraction sensorielle joue à la fois un rôle au niveau individuel et au niveau collectif.

Absence de régulation = dictature de l'attraction sensorielle

Donc en pratique, en ne régulant rien, on est très très loin de laisser les gens se faire leur avis sur ce que le marché des idées propose.

On laisse plutôt les gens s'engouffrer dans leur biais et se faire infecter par des idées virales, au détriment des idées non virales ;

parce qu'on laisse certains produits proposés sur le marché prendre une place disproportionnée, on laisse les rayons de ces produits prendre une énorme part de l'espace.

Il y a toute une part du marché des idées pour laquelle la plupart des gens ne vont jamais se faire leur avis, parce qu'ils ne vont jamais y être exposé ou en tout cas ne jamais prendre le temps et l'attention de les évaluer et de les considérer, étant donné que leur esprit est déjà trop occupé par les idées virales.

Paradoxalement, en laissant tout ouvert sans régulation, tu empêches énormément de gens de se faire un avis sur l'ensemble de ce qui est proposé sur le marché.

Tu mets en place une forme de dictature de l'attraction sensorielle.

Parce que les cerveaux par défaut forment eux-mêmes une sorte de système de régulation et de filtrage pour rendre certaines idées invisibles,

et à l'inverse pour prioriser, être attirés et complètement absorbés par d'autres idées, à tel point qu'ils n'ont plus les ressources pour considérer le reste des idées.

Dit plus crûment, en ne régulant rien, tu ne laisses aucune chance à certaines personnes d'accéder à certaines idées. Tu les prives de ces idées et tu les condamnes à être inondés par les idées virales à la con, et à bouffer ces idées à la con qui vont absorber et transformer négativement leur cerveau.

Dit encore plus crûment, en ne régulant rien, tu nourris les gens d'idées qui vont les abêtir.

Si la liberté c'est le choix, alors ce genre d'ouverture et ce laisser-faire de la dictature de l'attraction sensorielle, ce n'est pas la liberté.

Donc déjà c'est pas terrible pour la neutralité.

Mais surtout, dans une société où on cherche un minimum à être civilisés et éduqués, c'est quand même l'échec quoi.

Une société responsable est censée éduquer les gens, et donc les guider vers la valeur, et non pas les laisser perdus au milieu de ce qui n'a pas de valeur.

Et c'est vraiment ironique parce que beaucoup de défenseurs de la liberté absolue sont aussi des promoteurs de la responsabilité et de l'auto-discipline, le genre à ne pas laisser leurs enfants sans régulation, notamment au niveau de leur emploi du temps.

Et sur ce point ils ont raison.

Mais bizarrement dès qu'on passe aux domaines des idées, tous ces principes s'envolent par la fenêtre, ils ne considèrent plus tout ça.

...

Encore une fois, si tu laisses les enfants faire leurs courses librement, les produits malsains et surtout les produits pratiquement taillés et conçus pour pirater et stimuler leurs sens, c'est eux qui vont partir en priorité.

Et bien sûr les légumes verts & compagnie vont rester négligés étant donné leur faible attractivité sensorielle.

Si on laisse des enfants faire leurs courses librement, les caddies seront remplis de merde avec une forte attractivité sensorielle. De la malbouffe quoi.

Et théoriquement, l'une des meilleures solutions pour éviter ce problème en premier lieu, c'est de ne pas mettre en rayon des produits de merde avec une forte attractivité sensorielle.

Autrement dit de réguler ce qui est en circulation.

S'il n'y a pas de malbouffe, s'il n'y a pas de merdes brillantes dans les rayons, alors les caddies ne seront pas remplis de merde brillante.

Le problème c'est que dans le domaine des idées et des trames narratives, il se passe exactement l'inverse.

Pour imager, on laisse les enfants déterminer ce qui est en rayon et ce qui n'est pas en rayon.

On fait grandir les rayons des produits de merde brillants et on fait diminuer les rayons des produits peu demandés.

Ce qui fait qu'il y a encore plus d'enfants qui sont touchés par les produits de merde brillants.

Ce qui est en magasin est adapté à ce qui est acheté par les enfants.

Ça a toujours été vrai pour le marché des infos, mais ça l'est encore plus de nos jours avec les algorithmes et compagnie.

...

Bref, métaphoriquement si on laisse les gens libres de faire leurs courses d'idées et de trames narratives dans le supermarché qu'est Internet, il y en a énormément qui vont s'orienter et se verrouiller sur les produits de merde qui stimulent artificiellement les émotions. Les idées "poubelles".

Donc encore une fois, laisser tout ouvert et laisser les gens complètement libres, et croire que c'est ça la neutralité absolue, c'est avoir une vision simpliste des choses.

Car même "libres" les gens ne sont jamais libres de leurs biais, donc si tu ne régules rien tu favorises les plus gros biais par défaut.

Et tu favorises et encourages également la production d'objets et d'idées toxiques qui vont pirater et exploiter les biais, les sens, les émotions, tout ça (littéralement le "sensationnalisme").

C'est le 4 ème problème pour la neutralité, qui vient se combiner aux trois précédents : l'exploitation opportuniste.


Problème numéro 4 pour la neutralité : l'exploitation opportuniste

Donc précédemment on va vu que l'attraction sensorielle, la colonisation interne et la viralité se combinent ensemble pour permettre à certaines idées d'avoir un pouvoir complètement disproportionné par rapport aux autres.

Et donc à partir de là, si tu es un producteur d'idées et que tu veux avoir du succès, le plus simple pour toi c'est de tirer partie de ces trois premiers biais. De les exploiter je dirais même. De manipuler artificiellement l'attraction sensorielle notamment, étant donné que c'est la racine de l'effet boule de neige.

Parce que quand c'est autorisé, c'est plus facile de faire ça pour "réussir", c'est un chemin de moindre résistance pour capturer l'attention et vendre.

Alors qu'à l'inverse, produire et vendre de la qualité sans artifices, c'est difficile, c'est un chemin de grande résistance.

Et du coup c'est pour ça qu'opposer la régulation avec la neutralité c'est complètement stupide.

En ne régulant rien c'est comme si tu mettais en place un programme de sponsorisation des idées qui captent naturellement ou artificiellement l'attention.

Parce que bien sûr, les chaînes de télé et par extension les plate-formes de contenus sur Internet, l'un de leurs buts c'est de maximiser la captation de l'attention.

De maintenir le plus possible les gens chez eux.

Et en suivant cette logique ben ils vont proposer préférentiellement aux gens ce qui empiriquement capture l'attention et l'empêche le plus possible de partir ailleurs.

Et donc indirectement ils vont à leur manière sponsoriser les choses les plus clivantes, les plus choquantes, les plus violentes, et consort.

Dans un système idéal, l'actualité et les infos sur les sujets importants ne devraient pas être sujettes aux dynamiques de popularité. Ça n'a aucun sens.

Qu'une musique soit avantagée et récompensée dans sa diffusion parce qu'elle est populaire, c'est parfaitement sensé, mais qu'une info (ou désinfo) le soit, non.

Parce qu'à partir de là le marché de l'info (et de la désinfo) devient un concours de popularité, et par essence il ne peut plus informer objectivement sur ce qui se passe dans le monde, de manière justement pondérée.

Et encore une fois c'est la même chose pour les petits producteurs sur Twitter, YouTube, Facebook et compagnie.

Si tu démonises les autres, si tu les dépeins comme des menteurs et des manipulateurs, etc, et que toi tu te dépeins comme le brave, pur et valeureux défenseur de la liberté, de la justice et de la vérité,

eh bien tu conditionnes les gens à ne pas aller écouter ce que les autres peuvent dire, et donc in fine, à rester chez toi.

Et en plus tu conditionnes les gens à aller te défendre dans l'espace public.

C'est la stratégie de la secte, mais appliqué à Internet (dans le sens où une secte fait typiquement en sorte de te couper des autres à part si c'est pour convertir de nouvelles personnes).

Donc qu'on soit clair : sans régulation, il n'y a pas de neutralité dans l'espace des options.

Non, il y a des chemins de moindre résistance et des chemins de grande résistance dans cet espace d'options.

Par conséquent, rajouter de la résistance sur les chemins de moindre résistance n'enlève pas forcément de neutralité, ça peut tout simplement équilibrer les choses et donner aux chemins de grande résistance la possibilité d'être employés, et empêcher les chemins de moindre résistance d'être exploités et abusés.

Donc concrètement, si la production de qualité n'est pas récompensée par le système, notamment en termes de facilitation de diffusion par rapport aux produits de mauvaise qualité, eh bien par défaut tu encourages à produire de la mauvaise qualité.

Tu pousses les producteurs à devenir corrompus et à exploiter les chemins de moindre résistance. C'est à dire les failles.

La liberté totale est bien souvent l'ennemi du juste.

Autrement dit, si tu ne régules rien, tu laisses la porte ouverte à tous les exploiteurs, tous les charlatans, tous les arnaqueurs, tous les vilains opportunistes.

Parce que si rien ne les maintient sous-contrôle, si rien ne les force à être d'honnêtes et intègres producteurs et vendeurs de vraie qualité, alors ils ne vont pas se gêner.

Ils vont sévir.

Et donc tu vas en même temps décourager les personnes honnêtes et intègres de s'engager en respectant le jeu.

Tu vas pousser ces personnes honnêtes à devenir corrompues parce qu'il n'y a rien qui leur garantit que les règles qu'ils aimeraient respecter seront respectées par les autres.

Et donc ils vont considérer que de la jouer réglo, c'est comme se handicaper eux-mêmes.

Donc j'espère que vous commencez à bien comprendre que la régulation, ça ne veut pas dire forcément donner priorité à quelque chose.

Non, la régulation ça peut tout simplement servir à ré-équilibrer les priorités naturelles et injustes, et assainir les choses.

Servir à compenser d'autres forces négatives et indésirables qui sont en jeu.

Et j'ai même envie de dire que cette contre-exploitation des "failles", c'est très souvent ça le but de la régulation.

...


Les loups de Wall Street

Pour mieux comprendre le problème de l'exploitation des failles entraînée par le laisser-faire, on peut prendre la métaphore de Wall Street. La bourse.

Si ce n'est pas régulé, et qu'on laisse le marché complètement libre, qu'est-ce qui va se passer ?

Eh bien il va se passer ce qui se passe dans le film "Le loup de Wall Street".

Il va y avoir des loups peu scrupuleux qui afin de s'enrichir, vont exploiter les failles.

Ils vont manipuler la perception des actions pour convaincre des personnes de devenir actionnaires.

Ils vont publier des faux communiqués de presse pour tromper et arnaquer les gens, pour leur faire croire qu'ils ont l'opportunité d'acheter des super actions.

Ou alors ils vont prétendre avoir des informations encore inconnues du public sur une entreprise ou un actif.

Ils vont même pouvoir prétendre des choses sur une entreprise start up révolutionnaire qui en fait n'existe même pas ou en tout cas est tellement exagérée par rapport à la réalité que c'est tout comme elle n'existait pas.

Ce genre de choses. Ce qui rentre dans la stratégie dite de "Pump & Dump". Littéralement "Gonfler et larguer" en français.

À savoir une stratégie de manipulation de marché qui consiste à faire monter artificiellement le prix d'une action par des déclarations mensongères, dans le but de revendre ces actions, achetées à bas prix, avec une forte plus-value.

Concrètement les organisateurs de l'arnaque achètent eux-mêmes et font acheter par d'autres investisseurs de grandes quantités d'une valeur cotée, afin d'en gonfler artificiellement le cours.

C'est la partie "Pump", la partie "gonfler".

Bien sûr comme on l'a vu, pour convaincre les gens d'acheter leurs actions, ils ne sont pas honnêtes, non, ils créent une campagne de désinformation.

Et si cette campagne de désinformation convainc suffisamment d'investisseurs d'acheter l'action, eh bien l'augmentation de la demande pour celle-ci en fera augmenter le cours et la quantité échangée, ce qui peut convaincre encore plus de nouveaux investisseurs de croire aux messages initiaux et d'acheter également des parts par biais de preuve sociale, par effet d'engouement ou par peur de passer à côté d'une super affaire.

La peur de perdre est encore plus puissante que l'envie de gagner.

Et donc une boucle de feedback va se créer, et l'infection va se propager. Encore une fois je vous invite à consulter l'épisde 250 sur les boucles de feedback pour mieux comprendre ce genre de dynamiques.

Bref, donc tout ça c'est la partie "pump" la partie "gonfler". Et après s'en suit la partie "dump", la partie "larguer".

C'est à dire que les organisateurs de l'arnaque revendent cher toutes leurs actions lorsque le cours a été artificiellement gonflé à son plus haut point.

Donc ils se font beaucoup d'argent, mais les autres investisseurs eux, les victimes de l'arnaque, ils se retrouvent bien lésés.

Parce qu'à partir de cette revente massive et de l'arrêt de la campagne de désinformation, le cours s'effondre et les autres investisseurs se retrouvent avec des actifs dont la valeur a fortement diminué par rapport au prix d'achat.

C'est le retour à la réalité.

//La revente massive des actions surcotées par les organisateurs de la manipulation (dump) fait alors chuter leur prix et les autres investisseurs subissent de lourdes pertes. 


Encore une fois, sur le marché des idées et des trames narratives, c'est pareil.

Si ce n'est pas régulé il va y avoir des loups.

Et honnêtement même si je pense que beaucoup de têtes de file de la pensée complotiste croient vraiment à ce qu'ils racontent, ça n'empêche que ce qu'ils font reste très similaire au "pump and dump" des loups de Wall Street.

Sauf que ce qu'ils font gonfler c'est l'éveil de la peur.

Mais pas seulement. Ils font également gonfler la valeur d'adhérer à leur mouvement en y attachant de grands idéaux.

Leur mouvement, c'est pour préserver la liberté, la justice, la vérité et même la vie. C'est donc d'une importance cruciale.

En adhérant à leur mouvement, vous ferez partie des résistants, des héros qui se dressent face aux grands pouvoirs maléfiques qui s'abattent sur ce monde.

Vous vous dresserez face à l'obscurantisme et la suppression de l'intelligence.

Vous ferez pratiquement partie des sauveurs du monde.

Vous ferez preuve d'une grande bravoure, d'une grande vaillance, et d'une grande intégrité d'aller à contre-courant plutôt que d'aller à contre-cœur.

Ça brosse l'ego dans le sens du poil. C'est gratifiant. Ça fait se sentir investi d'une grande mission.

Les personnes qui ne font pas comme vous, ce sont des lâches qui se dérobent à leur devoir d'être humain. Des lâches qui ont cédé et sont à la botte des puissants.

// "Bah c'est la methode de victimisation, ns sommes seuls contre tous, je detiens la vérité et on essaie de me faire taire, on ns ment, etc. C'est aussi une formidable methode de manipulation. Si t'es avec moi, t'es franchement + intelligents que les autres, etc.. Formidable, non?"


Je veux dire, la manipulation de la perception des choses, la publication de communiqués pour tromper et arnaquer les gens, pour leur faire croire qu'ils font partie des éveillés.

Ou encore cette technique de prétendre avoir des informations encore inconnues du public sur une entreprise ou un actif.

De prétendre des choses sur une entreprise qui en fait n'existe même pas ou en tout cas est tellement exagérée par rapport à la réalité que c'est tout comme elle n'existait pas.

Je ne sais pas pour vous, mais pour moi ça demande peu d'imagination supplémentaire pour m'évoquer ce que font les têtes de file de la pensée complotiste.

Les chefs de file de la pensée complotiste font l'équivalent de la manipulation de la perception pour convaincre des personnes de devenir actionnaires de leur idéologie.

Et on peut même retrouver la partie "dump" de la stratégie "pump and dump", avec le passage à d'autres peurs, une fois que les peurs actuelles ont été bien monétisées.

Je pense notamment aux personnes qui ont produit et vendu le pseudo-documentaire "Hold-Up".

Tous ces marchands de peur ne sont pas si différents des loups de Wall Street.

Ils galvanisent des pigeons à financer des grands combats qu'ils ne mèneront pas.

Notamment les combats pour la liberté, pour la justice et pour la vérité.

Il me semble que l'avocat Fabrice Di Vizio a récemment fait un coup typiquement proche de ça, il a investi les gens pour finalement les lâcher.


Bref, ça paraît totalement aberrant d'imaginer qu'on laisserait le marché de la bourse complètement libre, sans aucune "police" pour réguler les actions, pour réguler les fraudes, et garder les loups sous contrôle.

Ça serait un système complètement malsain et vérolé.

De la même manière que ça paraît totalement aberrant d'imaginer un marché dans lequel on permet à des produits de contre-façons de proliférer librement, oklm, c'est à dire des produits qui imitent et prétendent être des produits d'une qualité reconnue alors qu'ils ne le sont pas, pour profiter de l'image et l'influence de ces produits reconnus.

En réalité, on ne veut pas de ce genre de marché totalement libre, parce qu'on ne veut pas se faire arnaquer.

Non, on veut qu'il y ait un contrôle de la qualité de ce qui est sur le marché. On veut un marché juste.

Et encore une fois la liberté totale est bien souvent l'ennemi du juste.

...

Bref, et pourtant, et même si je sais que ce n'est pas vraiment comparable, on a plus ou moins l'équivalent de ce marché libre et injuste au niveau du marché des idées et des informations.

Avec des médias qui prétendent donner de l'information, alors que c'est l'équivalent de producteurs de contre-façon.

Certes certaines plates-formes censurent des contenus, du moins dans une certaine mesure, mais Internet dans sa globalité, ne censure pratiquement pas.

Il suffit juste d'aller sur une site différent et boum, tout est là.

Et c'est un problème.

La seule chose qui rend cette absence de régulation admissible, c'est que c'est extrêmement dur et délicat de réguler correctement le marché des idées et des informations, beaucoup plus que pour les marchés parallèles que j'ai cité.


Une précision importante

J'ai encore beaucoup de choses à ajouter dans le prochain épisode, notamment sur l'effet inverse que peut entraîner la régulation et la censure, l'effet Streisand, tout ça. Mais aussi sur l'aspect addictif de la désinfo.

Mais avant de clore ce premier épisode, il me semble impératif de clarifier un point.

Actuellement je ne pense pas que nous ayons les moyens et les capacités de mettre en place une régulation systématique idéale.

Toute confiance à ce niveau relève probablement d'une surestimation de notre capacité à ne pas nous tromper et d'une sous-estimation de l'ampleur que cette entreprise représente.

Et je pense que tant qu'on n'est pas certain qu'on en a les capacités et les moyens, il ne vaut mieux pas mettre de régulation systématique.

Quoi qu'il en soit, si on en avait les moyens, il est important de comprendre que cette régulation idéale de l'information ne se ferait pas sur les sujets traités.

Non, elle se ferait sur la qualité de ce qui est mis sur la marché, indépendamment des sujets.

Autrement dit une bonne régulation systémique, ça ne voudrait pas dire qu'on ne peut plus parler de certains sujets.

Non ça voudrait dire que peu importe le sujet, et en particulier pour les sujets sensibles, pour qu'une information puisse avoir l'opportunité de devenir virale, d'être bien référencée, etc, alors le processus de production de l'information devrait être fait sérieusement.

Internet devrait être considéré comme un privilège. Parce que c'est ce que c'est en termes de pouvoir de visibilité et de communication. Il n'y a pas mieux.

Et donc produire et partager de la désinfo sur Internet devrait être considéré comme de la fraude.

On ne devrait pas pouvoir le faire aussi légèrement.

Par exemple, les productions comme "Hold Up" ne devraient pas avoir le luxe de profiter des réseaux de la manière dont il en a profité.

D'un point de vue du système c'est une grosse faille. C'est très négligent. C'est beaucoup trop permissif, beaucoup trop laxiste. Le système se fait exploiter.

On ne devrait pas pouvoir raconter n'importe quoi à ce point là sur des choses aussi sérieuses, et bien s'en tirer.

Et ce n'est pas juste une question de droit ou de liberté d'expression.

N'importe qui, même des guignols, devraient toujours avoir droit à la parole, oui.

Mais ils ne devraient pas avoir le droit d'exploiter et de polluer l'écosystème et d'abêtir les gens.

Donc il ne faut pas tellement le voir comme couper le droit d'expression de manière générale, mais comme couper le droit d'exploiter et de polluer l'écosystème avec un amplificateur.

C'est beaucoup plus spécifique que le droit à la liberté d'expression.


Bref, et ce problème de légèreté, c'est la même chose pour ceux qui partagent ces productions.

Idéalement, on ne devrait pas pouvoir cliquer sur un bouton partager sans vraiment réfléchir et considérer si c'est judicieux de partager ça sur Internet. En particulier sur des sujets sensibles.

Et encore moins pouvoir mitrailler les partages inconsidérés de ce genre.

Car partager de la mauvaise qualité et de la désinfo en masse sur Internet, c'est littéralement l'équivalent de la pollution de l'environnement, de l'espace public, d'un bien commun.

Si un dealer de drogues fait circuler de la drogue dans un collège, et que beaucoup de jeunes sombrent dans l'addiction, on se dirait qu'il est responsable.

Faire circuler des idées clivantes sur internet, ce n'est pas si différent en termes de conséquences. Ça peut créer la portée d'entrée dans le monde de la désinfo pour beaucoup de personnes.

Ce qui est différent c'est que dans ce cas, les dealers et les consommateurs n'ont en général aucune conscience de la nocivité de la "substance", ils pensent même que c'est quelque chose de bénéfique.

Quoi qu'il en soit, dans un système décemment régulé, on devrait être tenu responsables de ce qu'on partage.

L'émission de conneries dans la noosphère devrait impliquer des peines.

Hélas, beaucoup de personnes ont une attitude du type : "dans le doute, je partage l'info clivante, comme ça au cas où c'est vrai, ben les gens seront avertis".

Alors que non il faut avoir l'attitude inverse (surtout vis-à-vis des infos clivantes qui sont dures à arrêter une fois propagées).

Souvent la meilleure chose à faire, c'est de ne pas relayer une information avant d'être sûr qu'elle est réglo. Dans le doute il vaut mieux ne rien poster.

Car partager de l'information sur Internet n'est pas anodin et donc le processus de partage sur Internet ne devrait pas être anodin dans la tête de la personne qui partage.

Ce n'est pas juste une question de balancer l'info et laisser les gens se faire un avis. Cf tout ce que j'ai expliqué au début de cette vidéo sur les trois premiers facteurs qui posent problème à la neutralité.

Et notez que là aussi on retrouve un cinquième gros problème de neutralité.

Problème numéro 5 pour la neutralité : le partage et le remplissage asymétriques

Car les personnes non mesurées, qui traitent l'information de manière superficielle, elles ont la main très lourde sur le partage. Beaucoup ne lisent même pas ce qu'elles relaient, ou tout du moins relaient des choses avant de les lire convenablement.

Contrairement aux personnes prudentes et réfléchies qui donc vont avoir un taux d'émission beaucoup plus faible.

Ce qui fait que le "remplissage d'internet" est complètement asymétrique.

Et ne parlons même pas de la logique de prosélytisme débile du partage massif, qui est pourtant incitée.

// C'est quand même incroyable cette absence de régulation individuelle vis-à-vis de la nutrition mentale. Tout le monde sait qu'il faut se méfier de la malbouffe qui est séduisante mais mauvaise pour la santé. C'est pareil pour certaines idées : séduisantes mais mauvaises pour la santé mentale.



Bref, dans un marché de l'information idéalement régulé, on pourrait parler de tout tant que c'est traité sérieusement.

Et si ce n'est pas traité sérieusement eh bien on paye le prix de la censure. Au moins au niveau des sujets sensibles.

C'est de la censure de la mauvaise qualité.

Si on voulait vraiment que notre information puisse avoir de l'attention à grande échelle, alors il fallait payer le prix de la qualité lors de sa production.

Sur le marché des idées et des infos, la compétition de l'attention doit exister, mais elle doit se faire via l'investissement dans la qualité, et non via la surenchère de la stimulation des émotions.

Par exemple le complotisme de bas étage, pour moi dans un système idéal, il faut censurer.

Mais par contre les réflexions et les investigations sérieuses et mesurées sur les complots, ben même dans un système régulé, ça doit être open bar.

Et ça leur permettrait justement d'avoir plus d'attention et de ne pas être noyées dans les théories fumeuses à forte attraction sensorielle, donc c'est tout bénef pour être renseigné sur les vrais complots.

On évite l'effet de l'enfant qui crie au loup.

À savoir que si le marché des infos sur les complots est bourré de désinfos, de fausses alertes, eh bien après on n'arrive plus à déceler les vrais complots.

Le complotisme de bas étage décrédibilise les infos sur les complots de manière générale : que ce soit les faux complots ou les vrais, tous sont décrédibilisés.


Personnellement j'aimerais beaucoup qu'il existe des sites et des comptes de réseaux sociaux qui mettent en évidence les désinfos "officielles" de manière fiable et sérieuse, c'est à dire avec un taux de déformation de la réalité proche de zéro.

Des relais qui révèlent les désinfos "officielles" pour les personnes intelligentes en gros, qui s'intéressent vraiment à la vérité.

Mais ce qui est hallucinant c'est qu'en fait la plupart des relayeurs existants qui mettent en évidence les désinfos "officielles" ont un taux de déformation au dessus de 50%.

Presque systématiquement quand tu vérifies ce qu'ils relaient, eh bien ça a été debunké de manière sérieuse (et non juste en apparence) dans les jours qui suivent.

Ce n'est pas juste de temps en temps, non c'est quasi-systématiquement.

Ils font davantage de la désinfo à propos de la désinfo officielle que de l'info à propos de la désinfo officielle.

Ce qui fait qu'ils perdent toute crédibilité, parce que quand tu es un minimum intelligent et que tu recherches vraiment la vérité, ben tu ne peux pas te fier à une source avec un taux de déformation pareil. C'est de la perte de temps.

Et donc vu ces taux incroyables, j'en viens à me dire que les relais de désinfos officielles fiables et sérieux ne marcheraient tout simplement pas,

parce qu'ils n'auraient pas assez de matière pour fidéliser les gens et les inciter à revenir régulièrement.

Pour que ça marche, ils sont obligés de ne pas relayer la réalité et de trouver fréquemment des trucs faux à dire pour nourrir leur audience.

Et du coup ce qui marche c'est de faire du complotisme "people", c'est à dire des sites et des comptes qui relaient à 80 % des trucs faux et sensationnalistes.

On est plus proche des magazines "Voici" ou "Closer" que de travaux d'investigation. Et encore, les magazines people sont en moyenne plus honnêtes, c'est dire.

Ce genre de complotisme de bas étage amasse les "amateurs" (pour être gentil) mais pas les personnes sérieuses.


Censure ou régulation ?

Même si j'ai employé le mot censure dans cette vidéo, en fait il faut plus voir ça comme de la régulation ou de la modération des infos sur les sujets sensibles, que de la censure à proprement parler.

C'est très similaire à l'idée d'un test contrôle qualité avant la mise sur le marché, un test d'assurance qualité ou encore un label.

Je sais que le mot censure désigne à la base une régulation idéologique de la liberté d'expression.

Donc quelque part la régulation de la mauvaise qualité sur les sujets sensibles, ce n'est pas vraiment de la censure.

Mais ne soyons pas naïfs, pour les personnes qui subissent ce type de régulation, ça sera perçu à 100% comme de la censure.

Ils ne verront pas la différence. Ils ne comprendront pas.

D'où le problème en premier lieu en fait.

Parce que s'ils comprenaient les problèmes qu'il y a dans ce qu'ils produisent et/ou partagent, alors ils ne l'auraient pas fait en premier lieu.

Donc ce type de régulation va s'appliquer essentiellement à des personnes qui ne peuvent pas la comprendre.

Des personnes qui ne réalisent pas qu'ils ont besoin d'être protégés contre la désinfo et contre leurs biais.

Des personnes qui par exemple sont non seulement incapables de différencier un bon médecin d'un mauvais médecin, mais qui en plus vont ériger des mauvais médecins en grands experts ultimes.

Et pour bien illustrer ce problème d'inconscience, c'est très simple : la plupart des plate-formes certifiées sans censure, dédiées aux "penseurs libres", elles sont remplies de contenu qui n'a rien d'original et qui va grosso-modo dans le même sens.

Ces fameux "penseurs libres" ne réalisent donc pas qu'ils pensent tous la même chose et donc qu'ils adoptent les mêmes croyances de seconde main qu'ils s'approprient comme étant les leurs.

Ils ne réalisent pas que si leurs sujets de discussion sont censurés sur les plate-formes mainstream ce n'est pas pour contrer la pensée libre mais pour justement contrer la pensée non libre : des pensées toutes faites qui se répètent, qui infectent et qui se propagent sans réflexion critique, au point de devenir une pensée unique.

Oh l'ironie.

On parle de gens qui sont non seulement incapables de différencier un bon médecin d'un mauvais médecin, mais qui en plus vont ériger des mauvais médecins en grands experts ultimes.

Et c'est pour ça que dans cette série, je ne fais pas trop de distinction entre régulation et censure.

Ce n'est pas parce que c'est la même chose, mais c'est parce que fatalement, ce sera perçu comme la même chose.

Et ces abus d'insurrection contre la censure, en fait c'est l'une des raisons pour laquelle en théorie, je suis pour la censure de la désinfo.

Je veux dire, dans tous les cas il y a une population qui va s'insurger contre la censure, même s'il n'y en a pas vraiment comme actuellement.

// Les mecs qui parlent de "censure" sans réaliser qu'ils sont complètement libres de raconter leurs conneries parce que... il n'y a pas vraiment de censure

Alors autant en mettre vraiment, je ne pense pas que ça va changer grand chose à leur perception et à leur braquage, puisqu'ils sont déjà convaincus qu'il y a énormément de censure même quand il n'y en a pas.

En fait, paradoxalement il pourrait y avoir moins d'insurrection contre la censure s'il y a vraiment de la censure, car c'est l'absence de censure qui nourrit les idées sur la censure.

En effet, beaucoup de gens profitent de l'absence de régulation pour colporter et faire croire qu'il existe de la censure de masse.

Notamment pour faire croire que ceux qui sont en pouvoir empêchent la publication de certaines informations, qu'ils étouffent la vérité qui les dérange, et que c'est pour ça qu'on n'en entend pas parler dans les médias mainstream.

Les médias mainstream n'en parlent pas, non pas parce que ça n'existe pas, mais parce qu'ils ont pour ordre de cacher la vérité.

//De la censure imaginaire qui en fait n'existe pas, ou en tout cas pas du tout dans les proportions colportées.

Quand tu es nourri de trames narratives qui déforment la réalité comme ça, eh bien quand on va te présenter la réalité pour ce qu'elle est,

eh bien logiquement cette réalité te semblera déformée et manipulée, parce qu'elle ne correspond pas à ce que tu as entendu à propos de la réalité.

Et donc tu vas t'insurger contre la censure.

Mais du coup tu es pour la censure ?

Pour terminer ce premier épisode, comprenez bien encore une fois que je ne dis pas forcément que je suis pour la censure et la régulation, non.

Je dis que je ne suis pas pour, mais pas contre non plus.

Autrement dit, je dis que c'est un gros dilemme de censurer ou de ne pas censurer. Contrairement à ce que beaucoup pensent.

Il n'y a pas une option qui est beaucoup mieux que l'autre. C'est de la fantaisie de penser ça.

C'est un dilemme comme ceux dont je vous parlais dans l'épisode 237.

Et donc en fait cette série, elle a prendre comme une ouverture aux problèmes de l'absence de régulation.

Ce n'est pas tellement une série pour dire qu'il faut mettre telle ou telle régulation.

Mais une série pour sortir de la fantaisie et faire réaliser que l'absence de régulation est beaucoup plus problématique qu'on ne l'imagine naïvement.

Et du coup ce n'est pas pour dire que la censure et même la régulation ne posent pas elles aussi leur lot de problèmes.

Bien sûr qu'elles en posent des problèmes.

À tel point que je doute qu'on puisse arriver à mettre en pratique un système de régulation à la fois généralisé et idéal sur Internet. C'est un doux rêve.

Si on parvient à mettre en place un système de régulation généralisé, il ne sera pas idéal.

Donc en théorie je suis totalement pour une régulation systématique idéale, mais en pratique je pense que c'est complètement hors de portée actuellement, et donc je suis contre la régulation systématique.

Mais cela dit je pense qu'on peut trouver un bon compromis.

À savoir de laisser tout ouvert comme c'est actuellement, mais de forcer à rendre des comptes les personnes qui sont relativement populaires et qui colportent de la désinfo depuis longtemps, sous peine d'être retirées des plateformes communes.

Vous allez me dire, ça existe plus ou moins déjà, mais non. Actuellement on peut s'en sortir trop facilement et pendant trop longtemps.

Et ces colporteurs populaires sont je pense responsables de l'ampleur que peut prendre la désinfo.

Donc les empêcher d'être présents dans les flux communs, c'est déjà pas mal comme dépollution.

Et ça permettra peut-être aux gens de prendre le partage "d'infos" sur Internet moins à la légère.

Encore une fois il ne s'agit pas d'épingler les gens à la moindre désinfo, mais d'épingler ceux qui font ça depuis des années.

Ceux pour qui c'est pratiquement un fond de commerce, et pour lequel le doute n'est plus permis.

Eh bien sûr avant cela il faudra leur donner des avertissements et leur expliquer clairement ce qu'on leur reproche.

De telle sorte à ce que s'ils récidivent sans tenir compte des avertissements, on soit certain qu'ils ne veulent pas jouer réglo.


Suite de cet épisode ici : https://fondation-magister.org/censure-addiction-desinfo


//Le problème c'est que c'est incroyablement difficile de mettre en place une censure proactive.

//Déjà ça demanderait des ressources monstres, ça freinerait tout.

//Et en plus comment faire pour déterminer la limite entre ce qui passe et ce qui ne passe pas.


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