Cet épisode est la troisième partie de ma série résumant les idées du livre "Democracy for Realists" de Larry Bartels et Christopher Achen, dont on va parler dans cette vidéo.
En gros pour résumer le premier épisode, on a vu que la démocratie était un modèle idéal pratiquement impossible à bien appliquer à cause de toutes nos limites psychologiques.
Et on a vu également pourquoi on ne pouvait pas considérer que nous sommes dans des démocraties fonctionnelles.
On a vu notamment que l'un des gros problèmes c'est que les votes des électeurs ne sont pas idéologiques.
C'est à dire qu'ils ne sont pas basés sur des idées politiques.
Parce que la plupart des électeurs ont très peu d'idées politiques, ils sont très peu informés.
Et ce n'est pas tant la faute des électeurs que l'impossibilité que représente la tâche d'être bien informé politiquement tout en ayant à côté sa vie, son travail, sa famille, etc.
On pourrait se dire, le fait que les électeurs adhèrent à un parti et votent pour ce parti, indirectement ça les fait voter pour les idées de ce parti. Donc tout va bien, la démocratie retombe sur ses pattes, le critère du vote idéologique est indirectement respecté.
Sauf que non car l'adhésion à un parti ne se fait que très peu par rapport aux idées, et cette adhésion ne reflète pas leur jugement politique considéré.
Donc effectivement les électeurs ont tendance à voter pour le parti auquel ils adhèrent, mais ça ne traduit pas un vote relatif aux idées, mais un vote de loyauté, un vote tribal.
Vous allez me dire, ok, mais du coup qu'est-ce qui crée l'adhésion des gens à un parti si ce n'est pas les idées politiques?
Eh bien il y a souvent une influence de liens sociaux extra-politiques. Les gens comme moi sont plus à tel parti qu'à celui ci, donc je m'identifie plus à tel parti qu'à tel autre.
Chaque parti incarne diverses identités extra-politiques que les gens incarnent déjà et auxquelles ils s'identifient déjà.
Par exemple une catégorie professionnelle. Une classe sociale.
On peut citer autrement l'identité religieuse, mais aussi l'identité ethnique.
Et évidemment, l'orientation politique de la famille joue une influence importante également.
Et une fois qu'on adhère à un parti pour des raisons extra-politiques, on va avoir tendance à s'aligner et adopter toutes les idées politiques véhiculées par ce parti pour que tout cela colle ensemble.
Nos idées politiques ne seront donc pas basées sur notre propre jugement raisonné, mais sur ce que notre parti nous aura appris.
On n'a donc pas affaire à des dynamiques d'idées politiques, mais simplement à des dynamiques classiques de groupes, des dynamiques tribales.
Et les idées politiques que l'on adopte sont plus à voir comme une adoption de la culture du groupe auquel on appartient, indépendamment de leur aspect politique.
Au niveau des exemples de ces dynamiques de groupes et d'identités, on peut citer Kennedy, président démocrate qui a probablement été élu parce qu'il était ouvertement catholique.
Typiquement les catholiques sont davantage associés aux républicains, mais beaucoup de catholiques plutôt républicains ont voté pour Kennedy malgré qu'il soit démocrate, parce qu'il était ouvertement catholique.
L'identité catholique de Kennedy a été une sorte d'attracteur pour tous les catholiques dont l'identité catholique était plus importante que l'identité politique.
Dans la plupart des cas les différentes identités sont plus ou moins alignées ensemble, mais pas dans ce cas. Et c'est dans ce genre de cas qu'on peut bien se rendre compte de leur influence sur la politique, influence qu'elles ne devraient logiquement pas avoir.
Autre exemple, dans le sud des États-Unis autrefois, le parti démocrate était associé à la suprématie blanche. Mais un moment donné les blacks de la région ont commencé à se mobiliser en temps que démocrates, et donc la connexion psychologique qui jusque là existait entre les démocrates et les blancs, elle a été rompue.
Les blancs de la région ont petit à petit commencé à voir le parti républicain comme une potentielle maison psychologique, puis comme leur maison psychologique naturelle.
C'est comme si la maison psychologique des blancs sudistes de l'époque (le parti démocrate) a été envahie par les noirs sudistes. Du coup ils ne se sentaient plus chez eux et par conséquent ils se sont reconvertis en républicains pour avoir leur propre maison/territoire.
Encore une fois, pas grand chose à voir avec des dynamiques politiques idéologiques.
Pour terminer et résumer sur les liens sociaux, la distance sociale ressentie par les électeurs envers les différents candidats et leurs différentes affiliations à des groupes, c'est ça qui va déterminer leurs choix.
Pour la plupart des gens et ce la plupart du temps, les identités sociales et les loyautés partisanes colorent les perceptions politiques ainsi que les opinions politiques.
"Voters' sense of social distance to candidates and group affiliation with candidates determines their choices."
For most people most of the time, social identities and partisan loyalties color political perceptions as well as political opinions.
Bref, sinon à part les liens sociaux, on peut également trouver des biais économiques dans l'adhésion à un parti.
Par exemple, ce dont je vous parlais à la fin du dernier épisode : le fait qu'un parti ait présidé durant une reprise économique après une grosse dépression.
Dans leur tête, les gens vont associer le parti qui préside au moment de la reprise économique avec du positif, et c'est là que va pouvoir se créer une allégeance.
Peu importe le parti, et peu importe si le gouvernement est vraiment responsable de la reprise économique ou pas du tout.
La concomitance temporelle entre la période positive et la présidence du parti fait que les deux seront associés dans la tête des gens. C'est pratiquement du conditionnement Pavlovien.
Si tu fais sonner une cloche avant de donner à manger à un chien, il va associer le son de cloche avec le repas, et le simple son de cloche suffira à le faire saliver.
...
Comme je vous l'expliquais dans l'épisode précédent, dans le livre ils prennent l'exemple de la Grande Dépression des années 1930.
Dans les pays qui avaient un gouvernement plutôt à droite lors de la crise économique, les gens ont voté pour que ce gouvernement soit remplacé par un gouvernement de gauche.
Et à l'inverse dans les pays qui avaient un gouvernement plutôt à gauche lors de la crise économique, les gens ont voté pour que ce gouvernement soit remplacé par un gouvernement de droite.
Dans les pays où c'était davantage décalé temporellement et où il y a eu deux élections durant la crise et avant la reprise économique, eh bien les gouvernements ont été remplacés tour à tour.
Ce n'est pas les idées politiques qui ont joué, mais la promesse de changement, la promesse que les choses aillent mieux alors qu'elles vont mal.
Quand on attribue à tort que les choses vont mal à cause du gouvernement, eh bien on cherche à changer de gouvernement pour ne pas que les choses continuent à aller mal.
Quand tout va bien les idées politiques du gouvernement en place nous conviennent très bien, mais quand ça va mal, elles ne nous conviennent plus du tout, et on devient intéressé par les idées politiques de ceux qui promettent que ça va aller mieux quand ils seront au pouvoir.
Et ce qui est marrant c'est que les gouvernements qui ont présidé durant la reprise économique, ils ont profité d'une inertie positive pendant plusieurs élections derrière, ils sont restés au pouvoir pendant très longtemps.
Encore une fois on en revient au conditionnement : durant une grande crise économique, on associe nos émotions négatives avec le gouvernement en place, créant ainsi une aversion émotionnelle durable pour le parti associé dans les décennies à venir.
Inversement quand la vie reprend de plus belle, on associe nos émotions positives avec le nouveau parti en place, créant ainsi un attachement émotionnel durable pour ce parti dans les décennies à venir.
Donc ce genre d'événements peuvent avoir une empreinte durable et persistante sur les votes.
Et encore une fois cette empreinte n'a pratiquement rien à voir avec les idées politiques.
Le livre donne également des exemples du danger que représente ce choix émotionnel de voter pour un parti qui promet monts et merveilles en temps de crise.
Parce que dans ces conditions les citoyens peuvent accueillir n'importe quelle solution proposée pour changer la situation et apporter le salut, même des solutions complètement absurdes et inapplicables.
Bon bien sûr il y a l'exemple de Hitler et du nazisme, qui a séduit en bonne partie grâce à la détresse des allemands de l'époque.
Mais dans le livre ils donnent l'exemple moins connu de la province d'Alberta au Canada.
Durant la grande dépression, les citoyens d'Alberta ont laissé tomber tous les partis politiques conventionnels et bien établis, et ont mis au pouvoir un nouveau parti qui n'avait jamais été expérimenté mais qui promettait le salut.
Ce nouveau parti était présidé par un pasteur et animateur de radio charismatique, William Aberhart.
Et en gros le programme de ce parti promettait des réformes inapplicables, qui relevaient de la magie. C'était pas cohérent avec les lois de la réalité.
Le seul moyen de supporter ce parti, c'était de fermer les yeux sur l'absence totale de logique du programme et de croire sur parole que ça allait marcher.
L'attrait envers ce parti était fondamentalement émotionnel, notamment dû au fait qu'il accentuait les attitudes d'hostilité des citoyens envers le système économique de l'époque.
Il brossait les frustrations du peuple dans le sens du poil.
Il ne se souciait pas des contraintes réelles dans ses promesses, il faisait juste de la démagogie pure et simple.
Alors que les autres partis, les partis plus conventionnels, ne faisaient pas de promesses de changement radical impossibles à mettre en application, et expliquaient qu'étant donné les contraintes, leurs résultats passés étaient très bons, ils ont fait au mieux.
Mais les citoyens de l'époque ont considéré cet usage du raisonnement comme des excuses.
Le parti du pasteur a gagné l'élection haut la main, et étant donné l'empreinte émotionnelle, il a été réélu 9 fois d'affilée après ça.
Alors que le parti qui proposait ce dont le peuple avait vraiment besoin et qui était jusque là en place, il s'est fait écraser et ne s'en est jamais remis.
Les empreintes émotionnelles positives et négatives ont été aussi durables qu'irrationnelles.
Donc à l'opposé du processus de raisonnement idéologique, ce qui a caractérisé cette élection, c'est plutôt une sorte de caprice collectif.
Ça met également bien en évidence le problème de l'attraction sensorielle.
Les électeurs vont être lassés des politiques familiers qui ont de l'expérience, parce qu'ils les connaissent déjà, ils ne sont pas nouveaux, et leur sérieux est ennuyant.
À l'inverse ils vont être enthousiasmés par des démagogues irrémédiablement non qualifiés politiquement parlant, mais qui parlent bien, et qui sont connus pour leurs passages à la télé.
C'est exactement le problème de l'attraction sensorielle dont je vous parlais dans les épisodes précédents sur la censure et la neutralité.
Vu qu'on est sur une chaîne de développement personnel, j'en profite pour faire remarquer que ce qu'à fait ce pasteur, c'est aussi très similaire à ce que font beaucoup de coachs, notamment vis-à-vis du New Age, la Loi d'Attraction et compagnie.
Ils ne se soucient pas des contraintes réelles dans leurs promesses, ils font de la démagogie pure et simple, et incitent à la pensée magique en se foutant des dangers associés pour leurs auditeurs.
On peut également y voir un lien évident avec les démagogues qui pour créer du contenu populaire, promeuvent des théories conspirationnistes qui ne tiennent pas debout, qui se foutent des faits et des contraintes de la réalité, et qui accentuent et brossent les frustrations du peuple dans le sens du poil.
Quand je lisais des commentaires sur Internet pendant les grosses phases du covid, c'était évident que plein de gens étaient prêts à abandonner toute logique politique et qu'ils auraient accepté les bras grands ouverts de mettre en place un changement de système complètement débile et sans plan raisonnable derrière.
Ils étaient prêts à suivre un leader révolté complètement stupide et sans compétence politique réelle.
Précédemment je vous disais que plus le système est en démocratie directe, alors plus l'influence des politiques professionnels est diluée.
Et les politiques professionnels c'est eux qui ont les connaissances permettant de filtrer les amateurs, les révoltés et les démagogues.
Donc si leur influence est diluée, ben les amateurs, les révoltés et les démagogues peuvent proliférer et avoir leur chance.
Et du coup, ben on voit le même parallèle avec la façon dont les médias d'informations ont évolués.
Avant l'information était centralisée dans les médias mainstream et professionnels, ayant une certaine déontologie, et donc ça filtrait énormément la mauvaise qualité.
Maintenant avec Internet il existe plein de médias alternatifs, dont beaucoup n'hésitent absolument pas à tomber dans tous les travers, ce qui fait que la désinformation peut proliférer.
Tout à l'heure je vous disais qu'une fois qu'on adhère à un parti pour des raisons extra-politiques, on va avoir tendance à s'aligner et adopter toutes les idées politiques véhiculées par ce parti pour que tout cela colle ensemble.
Nos idées politiques ne seront donc pas basées sur notre propre jugement raisonné, mais sur ce que notre parti nous aura appris.
Ce qui est marrant c'est que ce principe est valide seulement quand on n'est pas vraiment concerné personnellement par les mesures politiques.
Autrement dit on arrête de faire le perroquet pour les questions qui sont vraiment importantes pour nous.
L'exemple donné dans le livre qui illustre bien ce phénomène, c'est la problématique de l'avortement.
Au cours des années 80 et 90, les partis démocrate et républicain ont ouvertement pris une position claire et opposée sur la question.
Le parti démocrate a pris ouvertement la position pour l'avortement, et le parti républicain la position contre l'avortement.
Et à partir de là les électeurs hommes ont changé leur avis sur l'avortement pour coller avec la position prise par leur parti.
Mais pas les électeurs femmes. Une bonne partie des femmes plutôt que d'ajuster leur position sur l'avortement pour coller à celle de leur parti, elle ont changé de parti pour aller vers celui qui partage leur position personnelle.
Autrement dit beaucoup de femmes ont fait preuve d'un engagement idéologique, parce que cette problématique est vraiment importante pour elles.
Alors que les hommes eux, étant beaucoup moins concernés par cette problématique que les femmes, ont bêtement suivi la position de leur parti, comme d'habitude.
Et c'est vraiment un problème parce qu'on se rend compte que les citoyens s'engagent sérieusement uniquement pour les problématiques qui les concernent vraiment de près.
Notre comportement politique devrait suivre des principes partagés, et donc être globalement stable peu importe les problématiques.
Mais ce n'est pas du tout le cas. On change totalement de principes et la façon dont on gère les problématiques, selon que ces problématiques nous concernent personnellement ou pas.
Pour les problématiques qui ne nous concernent pas personnellement, notre cerveau est débranché et désengagé politiquement parlant, on adopte bêtement toutes les idées enseignées par notre parti sans vraiment porter attention aux enjeux, aux implications, aux conséquences, etc.
Parce qu'on n'a pas le temps de faire autrement et que c'est coûteux.
Mais pour les problématiques qui nous concernent personnellement, là on se réveille, là on fait attention aux enjeux, aux implications, aux conséquences, etc. On rebranche le cerveau et on l'engage politiquement parlant.
Cet engagement d'attention on/off vis-à-vis des mesures, relatif à l'intérêt qu'elles ont pour nous, c'est une forme de favoritisme qui est anti-démocratique.
Le livre met également bien en évidence que c'est difficile d'échapper à la rationalisation de nos loyautés envers un parti.
La plupart des gens n'ont clairement pas le temps et l'envie de s'informer, mais naïvement on pourrait imaginer que si c'était le cas, ça serait mieux pour la démocratie.
Mais en fait ce ne serait pas forcément le cas.
En effet, il y a des études qui tendent à montrer que finalement, à part si on est vraiment super informé, l'information ne fait qu'accentuer nos biais et nos rationalisations.
Et donc parmi les personnes informées politiquement parlant, il y a des personnes qui sont paradoxalement plus en décalage avec la réalité que des personnes qui ne sont pas du tout informées.
En étant pas du tout informées, les personnes ignorantes sont moins tentées d'arranger la réalité dans le sens qui les arrangent, elles ont donc des perspectives plus neutres.
Chez les personnes moyennement informées on retrouve tous les mécanismes classiques de l'encapsulation de la conscience, du maintien de la cohérence personnelle interne, etc
En gros si tu ne fais pas partie des personnes les plus informées, si tu ne fais pas partie des "meilleurs" à ce niveau, alors il est très probable que tu vas te planter dans ta perception politique.
C'est dire l'exigence et l'investissement que requiert une bonne perception politique, une perception objective.
C'est complètement hors de portée pour l'électeur moyen.
Pour donner rapidement deux exemples de rationalisations tirés du livre.
Là on peut noter une rationalisation de proximité et de cohérence avec son parti.
En gros les gens se convainquent dans leur tête qu'ils sont proches de leurs parti dans leurs idées, même quand objectivement ils ne le sont pas.
Ça leur permet de maintenir une cohérence et d'éviter la dissonance.
En gros plus tu es à gauche dans le graphe, plus tu as une position politique de gauche, et plus tu es à droite dans le graphe, plus tu as une position politique de droite.
Plus tu es en haut dans le graphe, plus tu penses que ta position politique personnelle est proche de celle du parti de droite, le parti républicain.
Et plus tu es en bas dans le graphe, plus tu penses que ta position politique personnelle est proche de celle du parti de gauche, le parti démocrate.
La ligne continue correspond aux personnes appartenant au parti de droite.
Et la ligne en pointillés correspond aux personnes appartenant au parti de gauche.
Donc logiquement les républicains qui sont le plus à droite se perçoivent proche de la position du parti républicain. Leur perception est juste.
Mais cela dit plus on s'éloigne vers la gauche, plus on peut voir une sorte de déni ou de voilage de face.
Parce que logiquement, la courbe devrait descendre de manière plus ou moins linéaire, et les républicains qui sont le plus à gauche ne devraient pas percevoir que leur position est proche de celle du parti républicain.
Or on remarque qu'ils s'arrêtent au milieu et s'empêchent de dépasser la frontière symbolique, de sorte à rester républicain dans leur tête.
Et c'est pareil de manière symétrique pour les démocrates.
Ceux qui sont le plus à gauche sont logiquement en bas, mais ceux qui sont le plus à droite devraient se placer en haut alors que non ils se placent au milieu, de sorte à se sentir illusoirement proche de leur parti, le parti démocrate.
Le deuxième exemple de rationalisation, c'est une rationalisation pour arranger la réalité à son parti.
La question était d'évaluer si le déficit budgétaire s'est amélioré durant le mandat d'un président démocrate.
À gauche on a les personnes les moins informées sur la politique, et à droite les plus informées.
La bonne réponse c'est que le déficit budgétaire s'est amélioré.
Ce dont on se rend compte globalement c'est que les gens commencent à se rapprocher de la bonne réponse quand ils sont dans le très haut du panier niveau information, au-delà du 70ème centile.
Les démocrates en dessous du 70 ème centile, globalement ils mettent une réponse neutre, à savoir que le déficit n'a pas changé.
Mais ce qui est intéressant, c'est que les républicains en dessous du 70 ème centile ne vont eux pas mettre une réponse neutre.
À part ceux qui sont totalement ignorants à gauche du graphe, qui eux vont effectivement avoir une réponse neutre.
Parce que ceux qui sont ignorants ce sont probablement ceux qui ne sont pas fortement engagés dans la politique, et donc pas fortement attachés à leur "équipe", ni engagés contre l'équipe ennemie.
Mais plus on va augmenter en niveau d'information, plus les républicains vont estimer que le déficit a empiré.
Pourquoi ? Parce que plus on va augmenter en niveau d'information, plus on va avoir affaire à des personnes qui sont engagées et attachées à leur équipe, et qui sont engagées contre l'équipe ennemie.
Et pour eux, la réponse idéale c'est que durant le mandat d'un président démocrate le déficit ait empiré. C'est ce qui les arrange.
C'est ce qui fait passer l'équipe d'en face pour des nuls.
Ils ne peuvent pas naturellement concéder et accepter que l'équipe ennemie ait fait du bon boulot.
Ils sont poussés à penser qu'elle a fait du mauvais boulot.
Notons aussi que ces personnes sont suffisamment informées politiquement pour savoir ce qu'ils devraient vouloir comme réponse, mais probablement pas assez informées pour savoir quelle est la vraie bonne réponse.
Contrairement aux personnes ignorantes qui elles ne savent probablement même pas ce qu'ils devraient vouloir comme réponse.
Étant donné leur camp, leur parti.
Et on peut remarquer que le degré d'information ne va commencer à corriger ce biais et ce de manière très lente, qu'à partir du 60 ème centile.
Au 80 ème centile la correction est telle que leur estimation est simplement neutre, comme celles des républicains totalement ignorants tout à gauche du graphe.
Seuls les républicains qui sont dans le top de l'information politique vont estimer que le déficit s'est amélioré. Et encore ils ne vont pas estimer la bonne intensité.
C'est dire le niveau d'information nécessaire pour corriger les biais de partisanerie qui teintent notre perception.
Je précise bien sûr que ces biais ne sont pas spécifiques aux personnes de droite, si la situation était inversée et que c'était un gouvernement républicain qui avait présidé, les électeurs démocrates auraient eu les mêmes biais que les républicains.
C'est à dire qu'ils auraient eu tendance à dévaluer les performances de ce gouvernement.
Bref, les sondages mettent en évidence que l'électeur moyen est une girouette quand il est question d'avoir une position sur les problèmes systémiques.
En revanche il est solidement ancré dans un parti.
Et ce qui leur permet d'être cohérents malgré ce paradoxe, c'est que peu importe leur positon personnelle, les électeurs s'imaginent que leur parti partage leur position ou tout du moins qu'ils n'en sont pas très loin.
Les partis sont censés être un intermédiaire vers des solutions à des problèmes systémiques. Mais la plupart des gens s'arrêtent aux intermédiaires sans vraiment faire le lien avec les problèmes systémiques. Ils opèrent irrationnellement au niveau des partis.
Enfin irrationnellement d'un point de vue politique.
Parce qu'encore une fois ça a du sens en tant qu'animal grégaire de soutenir son groupe.
C'est rationnel du point de vue social.
Un autre aspect pervers de l'information c'est la propagation des émotions dans les réseaux conceptuels.
Par exemple quand tu as des connaissances politiques et qu'il se passe un scandale politique, l'interprétation de ce scandale politique va se propager sur tout ce que tu connais qui est lié (même de loin) à ce scandale.
Pour résumer la logique avec un exemple :
concept A / gouvernement Nixon = gouvernement droite
concept B / gouvernement Nixon pris dans le gros scandale de Watergate
conséquences de A+B = dévaluation de toutes les positions de droite sur différents sujets non reliés au scandale de Watergate.
Une étude présentée dans le livre montre que si de base tu n'as pas les connexions conceptuelles (par exemple quelle est la position de la droite et de la gauche sur les bus scolaires), eh bien un événement (dans l'exemple le scandale de Watergate) ne peut rien changer dans ta position sur différents sujets (logique), parce que tu ne peux pas faire d'inférences.
Sur ce on s'arrête là pour aujourd'hui, et on termine cette série sur les limites de la démocratie dans le prochain épisode.
Maîtrisez votre esprit, développez votre conscience, élevez votre existence !